Jour férié

-   Je viens de voir des tas de gens en ville. Une sorte de défilé.

-   Quel genre de défilé ?

-   Un défilé avec des mégaphones et des banderoles peintes en grosses lettres rouges. Au pochoir, je présume.

-   Il y avait quoi d’écrit dessus ?

-   Pas pu lire.  Perdu une connerie de lentille cette nuit. Chez ce type. Dans la baignoire, je crois. Ou bien au lit. A moins que ce soit quand j’ai vomi. Ou dans la bagnole, quand je...

-   Tu vomis, toi ?

-   Oui. La quatorzième stoli était de trop. Et même, si tu veux tout savoir, la journée entière et la putain de nuit aussi étaient de trop. C’est bien simple : je passe mon temps à dormir chez n’importe quel type après avoir bu n’importe quoi.

-   Moi aussi, mais je porte pas de lentilles. Et je pars toujours avant le petit-déjeuner. Si en plus il fallait leur faire la conversation… Bon, ton défilé, il avait quoi de si spécial ?

-   Rien, il y a juste que je ne savais pas que cette année la Gay Pride est avancée de deux mois.

-   Mais non, bécasse. Ce que tu as vu, c’est le défilé du 1^er mai.

-   Et qu’est-ce que c’est ?

-   C’est la Fête du Travail. Ce jour-là, les gens ne foutent rien. Comme les autres jours, en fait. Les gens que tu as vus sont des cégétistes, si tu préfères.

-   C’est pareil que gauchiste ?

-   A peu près. Ils manifestent pour leurs droits.

-   En tout cas, ce qu’ils sont laids : presque tous barbus et des bonnes femmes affreuses. Et ils boivent de la bière. Au moins à la Gay Pride il y a des paillettes.

-   Et alors ?

-   C’est joli, je trouve. Pas toi ?

-   Je trouve ça aussi emmerdant que le reste. C’est comme ça. Et le type de cette nuit aussi était emmerdant. D’ailleurs, ils sont presque toujours emmerdants, en fait. Sauf un de temps en temps. Et, va savoir pourquoi, celui-là c’est celui que tu voudrais mais il te glisse entre les doigts comme une poignée de sable – manque de réflexe et putain de vacherie. Et sur ce, je te laisse. Je dois y aller.

-   Où ça ?

-   Au bowling, j’ai entrainement. Et après, j’irai faire un tour à la plage. Parce que je n’ai pas dit mon dernier mot.