Voilà ce que j’ai déclaré à l’occasion de la cérémonie de remise des médailles du travail, le 1er mai 2010.
Mesdames et messieurs, je vous retrouve avec grand plaisir à l’occasion de cette fête du 1er mai pour honorer les longues années de travail de ceux que nous allons décorer.
Je ne vais pas vous faire l’historique de la fête du travail qui depuis 1947 est déclarée jour chômé et payé pour marquer l’importance que notre société donne à cette valeur du travail.
Je crois que tous ici nous savons les valeurs d’intégration, d’émancipation que représente ce mot : travail.
C’est par cette valeur que nos prédécesseurs ont gagné beaucoup de libertés auxquelles nous sommes attachés : le droit à un travail qui permet un revenu digne, à la constitution de syndicats, à l’éducation de nos enfants, aux congés payés, à tout ce qui fait de nous des citoyens qui participent à la construction de notre soiété.
C’est la raison pour laquelle je crois que nous serons d’accord pour associer à cette journée les exclus du travail : les jeunes à la recherche d’un premier emploi, les salariés des entreprises qui ont mis la clé sous la porte, y compris dans notre secteur géographique, les personnes atteintes de handicap qui ont encore plus de difficultés que les autres à trouver une place, les femmes qui souvent ne parviennent pas à concilier l’éducation des enfants avec un emploi suffisamment rémunéré, les seniors qui ont énormément de mal à retrouver un emploi après 50 ans. Je pourrais encore allonger la liste, mais aujourd’hui, c’est aussi la fête de ceux qui souhaitent ardemment trouver un travail.
Et puis, vous le savez, nous sommes en pleine actualité à propos de nos retraites. Nos députés vont devoir dans les prochains jours se prononcer sur les mesures à prendre pour préserver ce statut et cette période de la vie à laquelle nous sommes attachés. Je n’ai pas l’intention de prononcer maintenant de jugements sur les positions des uns et des autres, sur un sujet éminemment complexe, mais je voudrais quand même partager avec vous quelques-unes de mes convictions sur ce sujet.
Je crois en premier lieu que nous sommes tous attachés au système des retraites par répartition. Ce sont les actifs qui ensemble financent les retraites de nos aînés. C’est un fondement de notre société, qui nous rend solidaires les uns des autres, et nous voulons le maintenir, et même le renforcer. Je crois d’ailleurs que la crise financière a jeté le discrédit sur le système plus anglo-saxon de retraite par capitalisation. Les fonds de pension qui alimentent ce système ont joué un rôle particulièrement pervers dans l’effondrement boursier que nous avons vécu au cours des deux années passées en jouant les capitaux qui leur étaient confiés sur des placements très risqués, et en demandant aux entreprises dans lesquelles ils investissaient des rendements insupportables. Cela a d’ailleurs eu des conséquences tragiques pour de nombreux retraités modestes qui ont vu s’envoler les économies de toute une vie dans les soubresauts de la spéculation. On estime que les grands fonds de pension, notamment américains ont perdu 20% de leur valeur au cours des 15 derniers mois.
Ensuite, une grande part du déficit des régimes de retraite provient de la baisse du nombre d’actifs. Si l’on parvient à retrouver la route du plein emploi, on assure en même temps durablement les pensions de nos aînés. J’ajoute par ailleurs que si les femmes pouvaient travailler plus longtemps, si le niveau de leur salaire correspondait davantage à celui des hommes, elles contribueraient très substantiellement à l’équilibre des régimes de retraites.
Troisièmement, il y a des injustices de plus en plus insupportables à entendre pour la très grande majorité des salariés, des artisans, des professions libérales. On parle par exemple des « retraites chapeau » des dirigeants des grandes entreprises, qui parviennent à se préserver des rentes considérables, même lorsqu’ils ont failli à la direction des structures dont ils avaient la charge, lorsque leurs méthodes musclées pour réaliser davantage de profits ont poussé des dizaines de salariés au suicide, ou lorsque leur gestion hasardeuse, leur pratique de la délocalisation ont précipité des centaines de salariés au chômage. Je ne pense pas que la solution des déficits des régimes de retraites soit tout entière dépendante de la fin de ces injustices, mais la simple morale voudrait que ceux qui reçoivent beaucoup contribuent en proportion de leurs moyens à la solidarité. Je ne crois pas qu’aujourd’hui ce soit suffisamment le cas.
Vous le voyez, avant qu’on ne touche à la retraite à 60 ans, avant qu’on ne se résolve à augmenter les cotisations que nous versons aux caisses de retraite, avant de ponctionner le fonds de réserve que nous constituons avec nos contributions, il y a encore des marges de manœuvre que l’on doit explorer à fond.
Je sais, en ce jour de fête, mon propos n’est pas très réjouissant. Mais l’origine de cette fête du 1er mai, c’est la révolte de travailleurs pauvres pour obtenir des conditions de vie décentes, à la fin du XIXe siècle. Nous avons bien heureusement largement progressé dans ce domaine, mais nous devons les uns et les autres à notre place, demeurer attentifs pour que l’on n’accepte pas les injustices, les inégalités.
Nous savons que nous serons de plus en plus nombreux à être confrontés à cette période de la retraite, et plus longtemps, puisque nous vivons plus longtemps, et en meilleure santé. Et au XXIe siècle, il est normal que nous préservions cet acquis que constitue la retraite, pour lequel nos aînés se sont battus.
Mais le 1er mai, c’est aussi le printemps, le renouveau de la nature, symbolisé par ces fleurs et ce muguet. Vous avez tous vu comment la nature s’est réveillée après cet hiver rigoureux, et ce mois d’avril plutôt frais. Le printemps est vraiment arrivé.
Je voudrais terminer mon propos avec une petite surprise que nous devons à un homme qui a vécu et qui nous a quittés très discrètement, il y a 8 ans. Cet ami de Prévert, de Montand, mais aussi de Django Reinhardt qui a si bien chanté Paris et les quartiers populaires était fils d’une maman lituanienne et d’un père polonais, tailleur pour dames. Vous aurez reconnu Francis Lemarque.
Partager et découvrir dans les réseaux sociaux