Les soubresauts de l'Eglise anglicane

Il y a de cela vingt ans, des centaines de membres du clergé anglican avaient rejoint l’Eglise catholique, provoquant ainsi une importante crise dans l’Eglise d’Angleterre – divisée notamment par ses positions sur l’ordination des femmes [notamment à l’épiscopat] et l’homosexualité – et des tensions avec Rome. L’affaire pourrait bien se renouveler, selon des informations communiquées hier par le journal britannique The Sunday Telegraph, après que le Pape Benoît XVI, on s’en souvient, a offert l’an passé aux anglicans qui le désiraient des possibilités concrètes de réconciliation avec l’Eglise catholique.

Ayant pris acte de ce que « des groupes d'anglicans ont demandé de manière répétée et insistante à être reçus dans la pleine communion catholique, à titre individuel mais aussi collectivement », le Pape, par la Constitution apostolique Anglicorum coetibus [4 nov. 2009], avait créé un « cadre normatif général » constitué par des « ordinariats personnels », équivalents juridiquement à des diocèses, réunissant fidèles, clercs, membres d'instituts de vie consacrée et de sociétés de vie apostolique, et groupés territorialement dans une « conférence épiscopale particulière ». Ce document a en particulier prévu le maintien du rite anglican en ces termes : « Sans exclure les célébrations de la liturgie selon le rite romain, l'ordinariat a la faculté de célébrer l'Eucharistie et les autres sacrements, la liturgie des heures et les autres célébrations liturgiques selon les livres liturgiques propres à la tradition anglicane qui auront été approuvés par le Saint-Siège, de manière à ce que soient maintenues au sein de l'Eglise catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l'ordinariat et comme un trésor à partager. » La Constitution apostolique a également prévu des règles importantes relatives à l’accès aux ordres dans l'Eglise catholique du clergé anglican, à la question du célibat et à la formation des prêtres.

Jusque-là, la démarche du Pape Benoît XVI n’a pas été suivie d’effets très visibles, ce qui a sans doute rassuré les autorités anglicanes. En particulier, aucune demande de création d’un ordinariat n’aurait encore été présentée à Rome. Cependant, le Sunday Telegraph fait état de la poursuite de négociations entre des évêques anglicans [au moins trois] et la Congrégation pour la doctrine de la foi, au sujet des conditions du passage à l’Eglise catholique, négociations qui pourraient conduire à une nouvelle masse de conversions, surtout si le Synode général anglican qui doit se tenir cet été devait confirmer les orientations actuelles de l’Eglise d’Angleterre. Cette perspective a provoqué, comme bien on pense, une vigoureuse réaction de la part de l’archevêque de Canterbury, lequel a exhorté les anglicans à résister à cet attrait.

L’affaire prend d’autant plus d’ampleur que le Saint-Père doit, comme on le sait, se rendre en Angleterre en septembre prochain, où il est prévu qu’il procède à la béatification du cardinal Newman, figure emblématique du passage de l’anglicanisme au catholicisme.

Pour nous, catholiques, ces révélations doivent constituer un vif encouragement à la prière pour l’unité.

Ainsi que le rappelait la Constitution apostolique précitée, « l'Eglise, qui est un peuple rassemblé dans l'unité du Père, du Fils et du Saint Esprit, a été instituée par Notre Seigneur Jésus Christ en tant que “sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain”. Toute division parmi ceux qui ont été baptisés en Jésus Christ blesse ce que l'Eglise est et ce pour quoi l'Eglise existe ; en fait, “une telle division s'oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes: la prédication de l'Evangile à toute créature”. C'est précisément pour cette raison qu'avant de verser son sang pour le salut du monde, le Seigneur Jésus a prié le Père pour l'unité de ses disciples ».