Les lois de l’hospitalité Le billet de Nestor

Publié le 03 mai 2010 par Angèle Paoli
Le billet hebdomadaire de Nestor (27)

LES LOIS DE L'HOSPITALITÉ
Enserrer du lointain le surgissement et la caresse, apprivoiser le flux en qui l'apaise, érige demeure, vain fil d'Ariane, arc de l'écart, ne te ployant jamais entièrement…
Passe gravie en ce brasier qui n'abîme pas l'offrande, ne rétrécit pas l'envol, ne perfore de l'opaque distance que le jeu qui l'enfreint, ne te tourmente plus en interrogeant qui en soi ne s'assujettit plus aux réponses...
Ton savoir dérobé aux feux et aux levains, tu l'expies lentement, en route vers le pays obscur, livrant enfin combat à la tentation inique, à ce leurre qui fait qu'on est à soi-même mystère...
Ô premières timidités, le sommeil te séquestrant, onctueusement, élargissant ta tutelle sur les présages et l'ombre dépensière...
Ta parole ne porte pas secours, on n'y vient que pour convoquer l'autre dans l'antre du Même, en son réveil, en son recours, soie oublieuse enfin abritée dans la blessure de son guet ...
Retour sous la semence qui désempare et émancipe , cheminant sur les traces de l'issue, silence espiègle, imposture où tes plaies s'oublient, déchue captive qui ne blesse, n'élit ni n'affermit qu'à ton insu...
Ô passante que rien n'égare, épiant le bond qui t'annonce, qui te détisse et t'accompagne, jamais obstacle, toujours ferment....
Quelle parole pour discerner la chair du masque, la trace de sa pesée ?...
Double repli, des lieux comme des vertiges, envol repeint, suturé à l'énigme du réel comme le pendu à sa corde...
Ni don ni engendrement, mais ce qui se dérobe en t'égarant, qui se rassemble en t'effaçant, horizons si indûment dépensés qu'il ne se peuvent corrompre...
Enrichis-toi de l'acte, fais-toi complice de qui t'ignore, dénude tes vues, foule la nuit comme l'effroi d'autrui, purgé du dehors, de ses faces toujours scellées, toujours offertes, du jeu clos sur lui-même, sourd aux suppliques comme aux scintillements...
Comment ôter de l'heure que tu forges celle qui fut, soudain effarouchée, fantôme venant s'écorcher aux volutes, aux pignons, aux escouades pénitentes ?...
Ô vérité furtivement saisie : qu'il ne faut résister ni consentir, mais glisser en suspens entre les deux, immobile dans la hâte et la lenteur...
Que son nid te serre, corps étendu en son midi paresseux, en son désordre, en son naufrage, où la douleur, telle l'ombre qui mord en reculant, accroît infiniment la chute moulue des feux...
Ceux qui vinrent tuer, accourus à la gorge de l'écho, au miroitant abandon qui change les corps en sable, le pas du dragon nocturne en masque, comme pour y atteindre les même conviés...
Ombre défaite dans l'if de ses tournoiements, roulant ses feux intacts, croisée aveugle, repue de qui sera, des cernes fendillées, de leur lenteur sournoise, de ces peaux qui sentent le réveil, la verdeur, l'empoignade...
Clôture, gris arrondi comme les basses cendres du camp des loutres, qui prépare l'adolescent courant sur les terrasses incendiées aux mygales d'hiver, aux récoltes retardées, aux os froids tirant au bal des cimes...
Fuir la soif sableuse, l'aveugle enceinte où l'enfant marche sur les éboulis de la braise, récusant la pâture, abolissant les cohortes accroupies...
Nous n'avions, c'est vrai, jamais parlé de cela, leurs scories aujourd'hui nous exhaussent aussi crûment qu'alors les vérités, temps secret, plus limpide et menaçant à la fois, lent à mesurer, se passant de formes et de formules...
Convier autrui en ma demeure, y accueillir l'autre comme Autre, c'est obéir au devoir d'hospitalité qui tout vaut, sauf déminage des issues de ce lieu qui plus jamais ne sera du Même...
Tout n'est qu'à peine apparence, rien n'est à peine probité, dispersion allégée toujours confondue aux foulées, aux rechutes de leur plénitude...
André Rougier
D.R. Texte André Rougier


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