Nous avions ainsi navigué pendant des mois et des années. A chaque houle notre système D nous avait permis de continuer à avancer. Nous étions maintenant 4 sur le radeau, 2 insouciants, les autres la face à demi cachée par leurs cheveux dans lesquels le vent venait jouer. Dieu est avec nous et il nous aime. Cette certitude renfermait tous nos espoirs, et jour après jour nous allions, debout.
Nous aimions la rencontre avec ces bateaux. La vie d’un marin semblait agréable. Ils souriaient quand ils nous voyaient, étaient aimables. Aucune miette cependant ne tombait de leur bateau. Alors la faim au ventre, mais fort néanmoins d’avoir pu échanger quelques mots, un peu d’humanité - notre seul trésor, nous voguions encore et encore jusqu’au bout de la nuit, jusqu’au précipice.
C’est notre lot à tous il faut bien l’accepter. Bien sur certaines embarcations ont fière allure. La notre est misérable et bien endommagée. Cependant elle ne semble pas vouloir renoncer. Comme si dans sa mémoire elle savait que plus loin, il y avait un port, une halte, un repos possible ou l’on pourrait prendre un nouveau souffle et panser nos plaies.
Nous lui faisons confiance mais le cœur n’y est plus. Ce rivage lointain jamais ne se rapproche. Les jours défilent, les mêmes depuis bien longtemps. L’espoir s’amenuise même si c’est interdit. Voguer sans espoir use les cœurs, la faim ce n’est rien l’estomac est noué. Épuisés, mais vivants, une petite lueur dans la main nous poursuivons notre route, pas d’autre choix. A chacun son destin.
Martha