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Marie dans l'Evangile de saint Matthieu (2) : la visite des Mages

Publié le 05 mai 2010 par Hermas

La visite des Mages

Les évangélistes n’ont pas voulu écrire une biographie de Jésus. Ils ont fait un choix dans les épisodes qui ont marqué la vie de Jésus, son enfance, son ministère public, sa Passion et sa Résurrection. Saint Jean expose le but des Evangiles : ces faits ont été écrits « pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant, vous ayez la vie en son Nom » (Jean 20, 30). Leur style est donc différent du style que nous connaissons chez les journalistes et chez les historiens. Ce qui ne veut pas dire, bien au contraire, qu’ils ne sont pas historiques. Une étude soigneuse et impartiale montre en effet la qualité du choix opéré pour parvenir à leur but, chacun selon ses destinataires ; mais aussi une très grande précision : rien n’est mis au hasard, un nom, qui semble sans signification, se révèle être une indication historique précieuse (nous le

verrons à l’occasion). Le style qu’ils ont choisi, qui a probablement pour fondement la première prédication orale aux juifs, leur donne ainsi une grande liberté dans la présentation des faits, par des raccourcis savants, ingénieux, en ne tenant pas compte par exemple de la chronologie des faits exposés, des lieux, ou même de la géographie. Saint Luc est un expert en cette matière : il présente la montée de Jésus à Jérusalem comme une grande montée, une grande processions, car c’est là que devait se réaliser sa Mission de Salut :

« Comme approchait le temps où il devait être enlevé, il prit résolument le chemin de Jérusalem et envoya ses messagers en avant de lui » (Luc 9, 51).

Jésus se trouvait alors à 50 km au nord-est de Jérusalem, en Samarie. Puis, « en cours de route » il rend visite à Marthe et Marie dans un village, et se trouve à 3 km de Jérusalem (Luc 10, 38). Puis, on le retrouve « aux confins de la Samarie et de la Galilée » (Luc 17, 11), au nord de Jérusalem, alors que, nous dit saint Luc « il faisait route vers Jérusalem » (ibid.). On pourrait multiplier les exemples de ce genre. Il suffit de le savoir, et de voir que cela n’enlève absolument rien à la valeur historique indéniable de ces récits. Je le répète avec force, il faut savoir lire ces textes, en y notant ces précisions qui semblent être des mentions inutiles, et qui se révèlent être des données historiques d’une importance capitale.

C’est le cas pour la visite des Mages. Matthieu place leur venue, dans son Evangile, juste après l’annonce de la naissance virginale de Jésus. Or, nous savons, par Luc notamment, que bien d’autres événements se sont passés entre la Naissance de Jésus, et la venue des Mages : la circoncision huit jours après sa naissance, la présentation au Temple et la purification de Marie. Le fait que le roi Hérode fait massacrer tous les enfants de moins de deux ans « d’après la date qu’il s’était fait préciser par les Mages », permet de penser que ces Mages venus de l’Orient, sont arrivés à Jérusalem puis à Bethléem un an, voire un an et demi après la naissance de Jésus.

Cette visite des Mages a soulevé et soulève toujours des polémiques sur l’authenticité de ce fait rapporté par Matthieu. La mention de l’étoile d’abord. Alors que le texte grec nous dit que les Mages sont venus de l’Orient (Anatolè), de nombreuses Bibles, à propos de l’étoile traduisent « Nous avons vu son étoile à son lever », alors que le texte grec emploie le même terme « Anatolè ». Que de suppositions faites par les « savants » (?) pour expliquer cette mystérieuse étoile : comète, conjonction de planètes, etc. Avez-vous déjà vu des comètes qui se déplacent à l’œil nu dans le ciel, des conjonctions de planètes capricieuses qui se déplacent, s’arrêtent, disparaissent, réapparaissent et s’arrêtent ?

Les bergers ont été avertis par une intervention divine : une lumière, les Anges, un message. Les Mages, qui étaient des « païens » ont été avertis par un signe qu’ils pouvaient comprendre, car il avait été annoncé plus de douze siècles auparavant par un prophète non juif, Balaam. Chargé de maudire Israël, dans le désert, en marche vers la terre Promise, le prophète païen, pris par la puissance de l’Esprit, s’écrie :

Nombres chapitre 24° :

2. 

Levant les yeux, Balaam vit Israël, établi par tribus ; l'esprit de Dieu vint sur lui

3. 

et il prononça son poème. Il dit :« Oracle de Balaam, fils de Béor, oracle de l'homme au regard pénétrant,

17. 

Je le vois - mais non pour maintenant, je l'aperçois - mais non de près :Un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d'Israël. Il frappe les tempes de Moab et le crâne de tous les fils de Seth.

L’Etoile est dans l’Ancien Orient signe d’un dieu, et par suite d’un roi divinisé. La tradition existait ainsi dans l’Orient ancien non hébreu, de la venue d’un roi en Israël. Et, lorsque les Mages voient son étoile en Orient, ils comprennent que le Roi annoncé douze siècles auparavant est né : ils viennent lui rendre hommage, en lui apportant des cadeaux significatifs, or, encens et myrrhe, et « tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui » (Matthieu 2, 11b).

Il est inutile de se creuser le cerveau pour trouver une explication astronomique : nous sommes devant une manifestation divine. La lumière véritable est venue dans le monde pour éclairer tout homme, nous dit saint Jean (cf Jean 1, 9). Elle s’est manifestée aux bergers qui ont eu cette révélation divine ; elle se manifeste de même aux « païens » par la lumière de cet astre miraculeux. Car cette étoile, cet astre, est miraculeux : c’est de cette manière compréhensible par les Mages, que Dieu leur révèle qu’est né le Roi annoncé par le prophète Balaam.

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Les Mages, ne voyant plus l’étoile, se présentent au roi Hérode pour lui demander où était né le Roi des Juifs qui venait de naître. Hérode consulte les grands prêtres et les scribes qui lui disent sans aucune hésitation : « A Bethléem de Judée » (Mathieu 2, 5) en accomplissement de la prophétie du prophète Michée que cite Matthieu (2, 9).

Envoyés à Bethléem par Hérode, les Mages aperçoivent de nouveau cette Etoile qui les a guidés tout au long de leur long pèlerinage. Et l’étoile s’arrête « au-dessus de l’endroit  où était l’enfant » (Matthieu 2, 9c).

Je cite intégralement les versets qui suivent, car ils sont d’une grande importance, qui échappe souvent aux lecteurs, et aux prédicateurs :

Matthieu chapitre 2° :

10. 

A la vue de l'astre ils se réjouirent d'une très grande joie.

11. 

Entrant alors dans le logis, ils virent l'enfant avec Marie sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage ; puis, ouvrant leurs cassettes, ils lui offrirent en présents de l'or, de l'encens et de la myrrhe.

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Il faut savoir lire un texte ! Matthieu met l’accent sur Joseph qui tient la première place, comme nous l’avons indiqué ci-dessus. Il mentionne 4 fois le nom de Marie, ou écrit tout simplement, « l’enfant et sa mère ». Lors de la visite des Mages, Matthieu ne cite pas du tout Joseph, comme s’il n’était pas là pour présenter son enfant et son épouse aux illustres visiteurs. Joseph « disparaît » et laisse toute sa place à Marie, comme dans la généalogie donnée par Saint Matthieu ; non pas « à l’enfant et à sa Mère ». Marie est son épouse, mais Jésus n’est pas son fils. Et, comme dans la généalogie, par un glissement délicieux et bien construit, Joseph donne toute sa place à Marie « « de laquelle naquit Jésus que l’on appelle Christ »(Matthieu 1, 16). Les Mages, « entrant alors dans le logis,(ils) virent l'enfant avec Marie sa mère », ce qu’elle est réellement, et en plénitude, car c’est par Elle seule que le Sang de David coule dans les veines de Jésus, Fils de David, Marie étant, comme nous le verrons, descendante authentique de David, ce qui ne saurait être contesté, même si certains auteurs catholiques le nient.

Marie qui, d’après saint Luc, « conservait toutes ces choses et les méditait dans son cœur » n’a pas été sans remarquer la signification des dons offerts par les Mages : l’or pour célébrer la Royauté, l’encens pour vénérer la Divinité, la myrrhe destinée à la Passion et à la Sépulture. Si les Pères de l’Eglise ont vu dans les présents des Mages ces trois réalités, à combien plus forte raison Marie ! D’autant plus que, avant la venue des Mages, d’autres événements étaient intervenus, comme nous le verrons par la suite.

Ce qui peut sembler être un détail revêt en fait une grande importance, et ce n’est pas par hasard que Matthieu, a écrit ce qu’il a écrit. Dans cet Evangile, écrit pour des juifs, c’est Marie qui présente le Fils de David annoncé par les prophètes, à des païens, à des non juifs, aux Nations, aux Gentils comme on dit.Cela peut surprendre. Mais, si l’on y regarde de près, et c’est ce qui permet de comprendre que les Evangiles ne sont pas des écrits de peu d’importance, on ne doit pas être surpris par cette attitude et ce choix de Saint Matthieu. Il a compris que le Messie n’était pas simplement pour le peuple d’Israël, mais pour toutes les nations. Et le premier verset de la généalogie est d’une grande clarté à ce sujet : il enlève toute équivoque : il veut certes montrer que Jésus est Fils de David (par la série de 3 séries de 14 noms – en hébreu, les nombres n’existent pas, et l’on emploie les consonnes, les voyelles n’existant pas au début. Ce qui fait que DAVID s’écrit D V D, ce qui, transcrit en nombres, donne 4 6 4 = 14).

Matthieu aurait donc pu se contenter d’écrire : « Généalogie de Jésus, Christ, fils de David ». Non, il écrit, « Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham ». Pourquoi Abraham ? Puisque le Messie devait être descendant de David, la mention de ce Roi suffisait. Il y a ABRAHAM ! Abraham, la premier Patriarche, que Dieu a fait sortir de Ur en Chaldée, pour le tirer d’un milieu qui adorait les idoles, et se révéler à lui comme étant le Dieu Unique. Abraham dont Dieu veut faire un grand peuple, Son Peuple, le Peuple Elu. Abraham qui reçoit cette promesse de Dieu :

Genèse chapitre 12° :

1. 

Yahvé dit à Abram : Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t'indiquerai.

2. 

Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom; sois une bénédiction !

3. 

Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront toutes nations de la terre.

Ainsi Matthieu, dès le début indique clairement que le salut qui viendra de sa descendance n’est pas réservé au seul peuple d’Israël, mais, par lui, à toutes les nations de la terre. Ce qui pour les juifs de l’époque était inconcevable. Et Matthieu termine son Evangile sur cette note universelle : les Apôtres sont envoyés annoncer l’Evangile aux confins de la terre, à tous les peuples :

Matthieu chapitre 28° :

18. 

S'avançant, Jésus leur dit ces paroles : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre.

19. 

Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

20. 

et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde. »

Et c’est Marie, la première, qui présente son Fils aux païens, aux Nations, aux Gentils, à nous. Mère de la Mission, elle l’est dès ce moment (cf. Hermas, « Marie Mère de Mission, mai 2009).

On découvre ainsi, à la seule lecture de l’évangile de Matthieu, qu’il ne s’agit pas d’un écrit quelconque, mais d’une présentation de Jésus sérieuse, historique, qui repose sur des faits concrets, et que Matthieu, en bon pédagogue, sait révéler à ceux qui « savent » bien lire, le mystère du Verbe Incarné, par un simple mot, par exemple, par la mention d’un patriarche, par « l’oubli » de Joseph. Celui qui a des yeux pour lire, qu’il lise !

(à suivre)


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