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Surmenage...

Publié le 06 mai 2010 par Sophiel

paresse.jpegUne des choses que l’on apprend très jeune, c’est que l’oisiveté est une activité politiquement incorrecte. Or, si on y réfléchit un peu, si l’oisiveté est une activité, cela ne peut être nocif puisque l’activité est bonne pour la santé !

Le paresseux n’est sans doute pas apprécié à sa juste mesure car il lui faut fournir des efforts considérables pour maintenir son état de fainéantise au maximum de ses capacités. 

Dès sa petite enfance, cet indolent est contrarié dans sa vraie nature tel le gaucher que l’on oblige à écrire de la main droite.

Bébé, alors que tranquillement allongé sur le dos, plongé dans la contemplation stérile du plafond décrépi, des bras par trop dynamiques l’agrippent le forçant par là à maintenir sa tête aussi droite que possible. Epuisé par cette épreuve, il s’en endort sur son biberon, aussitôt dérangé par la tétine qu’on lui enfonce dans le gosier l’incitant à renouveler cet effort de succion qui l’achève.

Plus âgé, voilà qu’on le pousse sans relâche à se tenir vertical sur ses pieds bien qu’auparavant on le laissait joyeusement jouer avec !

Il commence à se douter que le monde ne tourne pas dans le même sens que le sien, qu’il est un être à part, contraint de se plier à des activités contre nature.

Et cela va de mal en pis !

Individu à la parole économe, ne s’exprimant que lorsque c’est absolument nécessaire : « Manger, boire, pipi, caca », le voici abandonné dans un lieu empli de petits personnages survoltés sous la houlette d’une non moins excitée prenant un malin plaisir à le sortir de son inertie pour ânonner des lettres et des consignes dont il n’a cure, d’autant que jusqu’à présent on avait l’obligeance de lui lire des histoires ou de lui chanter des chansons dont le ronronnement l’emplissait d’une douce torpeur réparatrice.

Devant son manque d’ardeur manifeste, ses géniteurs redoutent d’avoir engendré un crétin en lieu et place du nouvel Einstein tant espéré. L’avis d’un psychiatre s’avérant crucial, le petit est sommé de dessiner moult carrés et ronds devant l’œil exercé du professionnel.

Lorsque la sentence tombe, les parents anxieux aux ongles rongés jusqu’à l’os, s’enfoncent les moignons dans la bouche devant l’impensable :

- Votre enfant souffre du syndrome de la flemmardise aigüe. Je crains que cela ne soit incurable…

L’intéressé ne comprend pas pourquoi son père lui envoie une taloche tout en traitant le spécialiste d’incapable. Sa mère, effondrée, redouble de sanglots lorsque son époux lui assène :

- Tout ça, c’est la faute de TA famille !

Commence pour le cossard une longue traversée solitaire semée de « Travaille ! » « Fais un effort ! » « clampin ! » « jean-foutre ! ».

Loin d’être chauve des neurones, ce paresseux en passe de devenir professionnel fournit le minimum syndical – ce qui lui en coûte suffisamment – pour donner l’illusion de lutter contre ce penchant immoral tout en lui laissant cependant le loisir d’admirer ce poil qui lui pousse inéluctablement dans la main.

A l’âge adulte, remercié pour les loyaux services qu’il n’a pas rendu, il est vertement prié d’aller cultiver son indolence dans d’autres prés. Cherchant mollement comment travailler moins pour gagner plus, il accumule les expériences de pseudo actif qui le laissent harassé en fin de journée.

Un jour, il a l’idée exténuante de réunir tous ses acolytes victimes d’intolérance dans une association à but lucratif.

Ensemble, à l’abri des regards indiscrets, c’est avec délectation qu’ils se perdent pour toujours dans la contemplation dense des bulles…

Un gourou est né…


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