1.- Les Apparitions constituent un phénomène à la fois important et secondaire d’interventions surnaturelles dans la vie de personnes individuelles puis, par elles, de l’Eglise entière. I
Important, en raison de leur nombre, et de leur rayonnement considérable. Important aussi car, lorsqu’elles sont authentiques, elles constituent une intervention certaine de Dieu dans l’histoire humaine. On pense d’emblée aux apparitions de Lourdes, à celles de Fatima, de la rue du Bac, où Notre-Dame est intervenue en son Nom pour exhorter les hommes à la conversion et pour donner à la dévotion du Rosaire un élan extraordinaire. Important, enfin, parce qu’elles jouent un rôle de premier ordre dans l’itinéraire théologal de ceux qui en sont les témoins directs ou qui sont surnaturellement touchés par leur rayonnement.
C’est néanmoins un phénomène secondaire car les Apparitions, même dûment reconnues, n’apportent de soi rien à la Révélation et à la foi surnaturelles elles-mêmes, dans le champ desquelles elles n'entrent pas. Elles ne conditionnent pas non plus, de soi, l’exercice ou le progrès dans la foi des fidèles, même si, de fait, elles alimentent pour beaucoup le réveil de cette foi. Ainsi, et bien qu’il ait rencontré à deux reprises le petit Maximin, l’un des deux voyants de La Salette, le saint curé d’Ars fut pour le moins longuement réticent à accepter la véracité de cette Apparition, en soulignant qu’elle n’était pas nécessaire à sa foi.
2.- Les Apparitions, apparemment, ont au moins un trait commun : celui d’être d’abord toujours combattues. L’Eglise, à raison, se montre elle-même d’une extrême prudence à leur égard, et à raison, tant est large le champ de l’erreur, où peuvent se glisser à la fois l’imaginaire ou le névrotique et l’action du Démon. Celui-ci, en effet, pour ne citer que cet épisode, n’a pas craint d’apparaître à saint Pierre de Vérone sous les traits d’une femme qu’il entendait faire passer pour Notre-Dame. Aussi l’Eglise a-t-elle établi en la matière des normes précises, qui ont été définies et publiées en dernier lieu, pour les faits postérieurs à 1980, par la Congrégation pour la doctrine de la foi, le 27 février 1978, avec l’approbation du Pape Paul VI.
Ces normes, dans le détail desquelles nous n’entrerons pas ici, rappellent essentiellement qu’il appartient à l’Autorité de déterminer la “surnaturalité” des faits invoqués et apportent des critères de discernement afin d’y parvenir. L’Autorité, au premier chef, est ici l’Ordinaire du lieu, c'est-à-dire l’évêque local, qui doit d’abord enquêter, mais c’est aussi le Siège Apostolique, au travers de la Congrégation pour la doctrine de la foi, laquelle peut intervenir soit sur la demande de l’Ordinaire du lieu, soit sur celle d’un « groupe qualifié de fidèles », et doit même le faire, de son propre mouvement, « dans les cas graves, notamment lorsque le fait affecte une large portion de l’Eglise ». A cette Congrégation est également confié le soin de contrôler la façon d’agir de l’Ordinaire, voire de procéder elle-même à une nouvelle enquête, distincte de celle de ce dernier, « si cela s’avère nécessaire ». La Congrégation peut alors confier ce soin à une commission spécialement instituée à cet effet.
3.- Telle est la procédure qui a précisément été ordonnée à propos de Medjugorje. En raison des circonstances, qui tiennent à la fois à la diffusion très importante de la dévotion dont ces apparitions évoquées sont l’objet [on parle de 30 millions de pèlerins], à l’opposition très ferme de l’Ordinaire du lieu, évêque de Mostar-Duvno, et des querelles profondes et nombreuses occasionnées par ces événements, réactualisées par la visite favorable sur les lieux du cardinal Schönborn, archevêque de Vienne, le 28 décembre dernier, la Congrégation pour la doctrine de la foi a décidé, sur la demande du Pape, de confier à une commission spécialisée la mission d’enquêter sur les faits.
Cette commission, présidée par le Cardinal Camillo Ruini, Vicaire émérite pour le diocèse de Rome, a tenu sa première réunion le 26 mars dernier. Elle est composée des cardinaux Jozef Tomko, Préfet émérite de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, Vinko Puljic, Archevêque de Vrhbosna (Bosnie-Herzégovine), Josip Bοzanić, Archevêque de Zagreb (Croatie), Julián Herranz, Président émérite du Conseil pontifical pour les textes législatifs. En font également partie : Mgr Angelo Amato, SDB, Préfet de la Congrégation pour les causes des saints, Mgr. Tony Anatrella, psychiatre, Mgr. Pierangelo Sequeri, Professeur de théologie, le P. David María A. Jaeger, OFM, Consulteur du Conseil pontifical pour les textes législatifs, le P. Józef Kijas Zdzisław, OFM. Conv., Rapporteur de la Congrégation pour les causes des saints, le P.Salvatore M. Perrella, OSM, Professeur de mariologie. Son secrétaire est l’abbé Achim Schütz, Professeur d'anthropologie théologique, et son secrétaire adjoint est Mgr. Krzysztof Nykiel, Official de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Dans les articles qui vont suivre, nous accueillons très volontiers, et avec gratitude, la plume de notre ami italien M. Julio SARACONI, de Vérone (Italie). Comme il sera aisé au lecteur de le comprendre, l’Auteur est favorable à Medjugorje, dont il tient pour authentiques les apparitions et les messages, et il entend témoigner des fruits qu’il en a vus et reçus.
L’accueil de ce témoignage qualifié et argumenté ne constitue pas, de notre part, une quelconque prétention à porter un jugement sur une matière que le Siège Apostolique s’est désormais explicitement réservée, ni à anticiper d’une manière ou d’une autre les résultats de la commission savante et prudente qu’il a désignée. Il ne constitue pas davantage un désaveu quelconque de l’évêque de Mostar-Duvno, dont rien, a priori, ne nous permet personnellement de douter qu’il se détermine lui-même autrement que selon ce qu’il pense être juste et prudent.
Nous accueillons ce témoignage, dans le respect des décisions à venir de l’Eglise, parce qu’il entre avec compétence dans “l’état de la question”, pour apporter à ceux qui ne la connaissent guère – et dont nous sommes – des éléments utiles de réflexion.
Merci encore à vous, cher Julio, pour ce très long travail.