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Suicide Club 0 : Noriko's diner table

Publié le 07 mai 2010 par Cassandre

couvyi6.jpgJe ne parlerais presque pas ici de Suicide Club car cet opus qui se situe à la fois avant et après ce film ont finalement très peu de points communs. Le site Internet qui représente la "connexion" et les points rouges et blancs qui représentent les suicidés ainsi que l'histoire du suicide collectif de 54 jeunes filles à la gare de Shinjuku de Tokyo sont bien les seuls liens. Sorti de ça, rien à voir.
J'ai vu les deux films réalisés par Sono Sion avec plusieurs mois d'écart et je pense qu'on peut très bien voir l'un sans avoir vu l'autre. Pour revenir un instant sur les suicides de groupes et avoir peut être un poil plus d'information sur le sujet, j'avais écrit cet article, il y a quelques temps.
Ici, il s'agit l'histoire d'une famille, les Shimabara. Noriko, 17 ans est l'aînée de la famille. Ils vivent dans une petite ville du Japon. Elle s'ennuie ferme, tente par tous les moyens de se rebeller contre son père (à la façon japonaise, bien sûr), elle ne sait pas trop ce qu'elle veut, être adulte, être enfant. Petite fille à son père ? Elle ne trouve pas son "rôle".
Alors elle se réfugie sur un forum "haikyo.com" pour communiquer avec d'autres filles. Ainsi s'ouvre devant elle un nouveau monde, où elle ne se sent plus seule. Elle y rencontre "Ueno Station 54" qui est un peu l'administratrice du site, mais aussi d'autres "Barrage brisé", "long cou"... ces amitiés virtuelles la pousseront le 10 décembre 2001 à fuguer de chez elle pour rejoindre ses "amies" à Tokyo.
Point de rencontre avec le film Suicide Club, la narration du suicide de 54 jeunes filles que rien ne semblait rapprocher, le 26 mai 2002.
Seule sa soeur Yuka, fini par comprendre pourquoi sa soeur est partie alors qu'elle se moquait d'elle quand celle-ci lui disait avoir envie "d'ailleurs". Et c'est suite à cet évènement tragique que la petite soeur de Noriko, suit le même chemin que celle-ci en se connectant à son tour le site Internet et en fuguant pour la retrouver.
Sans tout révéler du film, et pour faire court, le père va "finalement" partir à la recherche de ses deux filles, et ce faisant, découvrir une terrible vérité qui dépasse l'entendement.
Le traitement visuel et oratoire est très différent de ce que nous avons l'habitude de voir ou d'entendre. Le film est découpé en chapitres où l'on a la vision de l'histoire de chacun des protagonistes : Noriko, Yuka, le Père, "Ueno Station 54". Et l'histoire est principalement racontée, la voix off se superposant parfois sur les dialogues. La bande son ne semble pas très présente, mais quand elle se fait sentir, on a une forte impression de décalage entre ce qu'on entend et ce qu'on voit. Le style est lent, l'image parfois redondante mais cela s'explique par la volonté de narrer plutôt que de filmer. Comme un livre en image, je dirais. La longueur du film, presque 3h, peut faire peur, mais je vous garanti que vous ne regardez jamais votre montre, avant d'en voir la durée, je ne savais pas combien de temps j'avais passé devant la télévision.
Ce qui est évoqué dans ce film est bien plus vaste que l'histoire en elle-même, bien que symptomatique du malaise dont semble souffrir la société japonaise. Il impliquerait un système de société alternative où chacun aurait un rôle prédéfini.
Un peuple asphyxié par le mal-être d'un "moi" qui n'a pas sa place. C'est du reste la véritable question de "Suicide Club 0" qui est posée ici : comment être soi, sachant qu'être soi nous expose inévitablement à la souffrance ? Noriko, Yuka mais aussi la jeunesse japonaise dans son ensemble (Mandarine par exemple, autre personnage secondaire) préféreront se réfugier dans des rôles, aussi absurdes soient-ils.
Sono semble pointer du doigt ses concitoyens enfermés dans des vies millimétrées par une société nippone particulièrement attachée à la cohésion du "groupe".
Une attitude que le réalisateur compare à des "suicides psychologiques", un abandon de sa propre personne dans un environnement où être libre revient à se suicider "physiquement".
C'est donc un superbe film, introverti et tragique auquel nous sommes invités. Une peinture des personnages réalisée toute en finesse, nuances et même quelques paradoxes (mais la vie n'en est-elle pas pleine ?) le tout servi par une interprétation et un jeu d'acteurs irréprochables.
Sono Sion a déclaré vouloir réaliser un troisième et dernier opus qui formerait et fermerait un triptyque sur le suicide et le malaise dans la société japonaise.
Je ne sais pas si la version que j'ai, double DVD avec les deux films est toujours disponible, mais Suicide Club 0 est disponible en zone 2 sur la Fnac sous le titre "Noriko's diner table".
Je ne saurais trop vous le recommander, et peut être de suivre les autres films de ce réalisateur, je crois que je vais me pencher sur le sujet ;-)


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