Il y a des jours où je maudis le Ciel de vivre loin de nos familles.
Il y a des jours où l'impuissance est si intense qu'elle me coupe le souffle.
Il y a des jours où le stress est si grand que mon coeur fait des noeuds.
Cette semaine, nous avons malheureusement appris que Fillette est diabétique. Je dois la piquer à l'insuline matin et soir. Elle doit prendre son taux de glycémie 4 fois par jour. Jamais elle ne pourra sauter un repas. Jamais elle ne pourra se coucher sans prendre une collation. Pour l'instant, on oublie les weekends au camping de sa copine, car c'est trop loin pour que j'aille la piquer, elle n'a pas le droit de le faire seule et je ne demanderais jamais à un autre parent d'assumer cette responsabilité (en plus c'est tellement laborieux!!!)
Nous avons passé 3 jours complets à l'hôpital pour enfants. Nous devons y retourner lundi.
Il fallait que ça tombe la semaine où l'Homme est à Paris. Où on avait 2 concerts de chorale.
Tout à coup, NY ne me tente plus.
Je ne vois pas le jour où mon stress redescendra. Je me dis que je ne pourrai jamais travailler à l'extérieur de la maison à cause de ce nouvel horaire, qu'il faut absolument que quelqu'un soit à la maison à telle heure pour lui donner ses injections. Je m'imagine, tous les jours, à stresser dans ma voiture en revenant du boulot parce que c'est trop important. Je me dis que ça serait me rajouter un stress inutile.
Ma petite Fillette qui a seulement 9 ans. Elle a honte. Elle ne veut pas que personne le sache. J'ai beau lui expliquer que pour sa sécurité c'est important. Elle ne veut pas.
Petit Monsieur a dû nous accompagner à l'hôpital vu qu'on est seuls dans notre région de merde. J'ai appelé des amies, et évidemment, personne ne répondait cet après-midi-là. Nous sommes dons allés tous les trois en urgence à l'hôpital.
Il est très inquiet pour sa soeur. Il pleure. Il veut pas qu'elle ait ça toute sa vie.
On oublie l'impact qu'une telle nouvelle peut avoir sur les autres. On est dans notre bulle, inquiets, sur l'adrénaline. Puis y'a l'Homme qui stresse à l'autre bout du monde et qui est en déni total. Puis Petit Monsieur qu'il faut tenter de rassurer, et ce, même si on ne l'est pas du tout soi-même. Puis la famille, qui appelle pour s'informer et qui nous transmet les conseils de tous.
Mais y'a aussi les amis à l'école, qui étaient très inquiets. L'enseignante a dû passer du temps à en réconforter plusieurs. Il y a eu les messages inquiets sur le répondeur, des amies à la voix chevrottante. Quatre jours d'absence consécutifs, c'était une première pour Fillette. Quand ses amis allaient s'informer à son frère et qu'il leur répondait : elle est à l'hôpital, cela n'a pas vraiment dû aider.
Il y aussi la compassion et l'écoute des amies. Les miennes. Ces amies qui ont toutes elles aussi des enfants. Qui connaissent toutes Fillette depuis longtemps. Qui savent comment elle va vivre cette épreuve. Qui savent que Fillette ne veut pas qu'elles sachent.
Et c'est la négociation constante maintenant. Parfois elle prend de l'insuline, mais ne mange que la moitié de son repas, il ne faut pas, elle doit se forcer. Elle me crie que j'ai toujours dit que si on avait pas faim, on ne mangeait pas.
Et j'explique, et j'explique.
Et ce matin je lui ai fait mal. En la piquant. Elle m'a dit que je n'étais pas aussi bonne que l'infirmière. Elle pleurait. Moi aussi. Comme si j'étais contente d'être une totale incompétente.
Hier soir, la chorale. Les deux enfants y participaient. J'avais tellement peur qu'elle se sente mal, je ne me souviens plus trop de ce qu'ils ont chanté. Comble de malheur, Petit Monsieur n'a pas fait son solo. Le chef de toutes les écoles a choisi quelqu'un de sa propre école. Il était triste. Moi aussi.
Et Fillette qui est peinée parce qu'elle n'a pas pu finir son projet pour la Fête des Mères à l'école. Quand elle l'aura fini, il sera trop tard. Je lui dis que jamais il sera trop tard, on est pas seulement mère le deuxième dimanche de mai.
Et il pleut des cordes.
Fillette n'a pas 10 ans et elle a des responsabilités monstres.
Dorénavant, au lieu d'encourager la recherche sur le cancer, j'encouragerai celle sur le diabète. Je ne peux pas croire qu'en 2010 ça ne soit pas encore réglé.
Je ne peux pas croire que ma belle Fillette est atteinte d'une maladie incurable.
Je le crois, mais ne l'accepte pas. Pas encore.