J’aime bien les Gremlins en général – les miens en particulier – il paraît qu’ils mettent de la vie dans une maison…
Avec eux, on ne sait jamais comment la journée va débuter, encore moins comment elle va se terminer. Le Gremlin est l’as de l’imprévu.
Sauf que moi, j’aime bien prévoir.
D’où une certaine incompatibilité dans la gestion de l’organisation familiale, pouvant s’avérer fatale pour une femme dont la mécanique bien huilée traque le moindre grain de sable susceptible de faire dérailler la machine.
Et le Gremlin, ce qu’il aime par-dessus tout, c’est tomber malade le jour où ce n’est pas prévu alors qu’il a constamment sous les yeux le rétro-planning de la semaine :
- Lundi : Maladie possible à partir de 11h30
- Mardi : Maladie envisageable de 8h30 à 11h30
- Mercredi : Activités sportives : Au prix que ça coûte, aucune dérogation maladive accordée.
- Jeudi : Maladie acceptée de 8h30 à 9h00
- Vendredi : Arrêt maladie refusé !!!
- Samedi : Maladie tolérée aux heures d’ouvertures du cabinet médical.
- Dimanche : Urgences surchargées, maladie boycottée !
Ce n’est pourtant pas trop demander que de suivre ce programme hebdomadaire lequel ne subit de changements que très épisodiquement ! De plus, cela a l’avantage d’apprendre au jeune Gremlin le sens des responsabilités et ce, dès l’instant où son père a coupé le cordon.
Or, le Gremlin, comme chacun sait, est un être facétieux doué d’un sens de l’humour douteux et qui ne se satisfait pas de l’organisation au carré que sa génitrice a dû mettre au point à peine le cheveu sorti du ventre maternel !
Malgré des anticipations d’évènements dignes des meilleurs scénarios de films catastrophe, l’horrible petite créature parvient toujours à contourner les barricades pour se glisser dans la faille que l’on avait oublié de colmater !
Aussi, à la veille d’un départ en vacances auquel il a généreusement été convié, n’est-il pas exclu que le jeune farceur fasse surgir dans la nuit une double otite sereuse bannissant tout transport par les airs sous peine de tympans défoncés alors que nul ne se soucie des oreilles passablement échauffées de ses ascendants !
Frayant avec la nature retors de cet être maléfique, il se peut que l’on soit contraint de recourir au chantage afin d’honorer un rendez-vous vital pour notre carrière :
- Je te donne un bonbon si tu me promets que demain tu me laisses aller tranquillement à ma réunion.
Il jure, la main sur le cœur et le regard franc que rien ne viendra compromettre les projets parentaux.
Et on se félicite de tant de doigté lorsque, l’ayant déposé à la grille de son établissement, on s’en va, l’esprit libre, vers un avenir prometteur, ignorant l’alarme rugissante qui, depuis le matin envoie un message troublant :
« Alerte ! Teint verdâtre ! Alerte ! Teint verdâtre ! »
Mais c’est sans compter sur la fourberie gremlinesque…
A peine le dos tourné, des appels insistants nous ordonnent de nous retourner. L’institutrice s’approche, tenant une olive par la main et sonne le glas de notre augmentation de salaire :
- Le petit n’a pas l’air bien. Il se plaint du ventre et il est un peu verdâtre…
- Mais non, rétorque-t-on, c’est parce qu’il a mangé des épinards au dîner !
Alors que l’on s’apprête, dans une tentative désespérée, à fuir aussi vite que nos talons nous le permettent, une giclée de légumes non digérés atterrit sur la pointe des escarpins jadis en daim.
Encore sous le choc, on entend une voix faussement penaude s’élever :
- Et des bonbons aussi…
- Quoi des bonbons ?
- Les bonbons que tu m’as donnés… J’ai fini le paquet…
La prochaine fois, on prévoira de lui faire avaler quelques médocs enrobés de chocolat !