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1942, Convoi N°8 : une 1ère réimpression

Publié le 10 mai 2010 par Encreblog
1942, Convoi N°8 : une 1ère réimpression1942, Convoi N°8Document préfacé par Henri BorlantAux éditions du Retour
Témoignages de André Lettich et Lazar Moscovici, tous deux déportés à Auschwitz-Birkenau en juillet 1942.
Extrait de la préface"Bien sûr il faut écrire, il faut parler tout en sachant que nos pauvres mots ne suffiront jamais à rendre compte de ce que furent les souffrances endurées : la faim de celui qui jour après jour maigrit, perd ses forces, accablé par le désespoir, l’abandon, la saleté, les poux, la boue, le froid ou la chaleur, les coups, les humiliations, la promiscuité, le manque de sommeil, de repos, les appels debout pendant des heures sous la pluie ou la neige, le typhus, la dysenterie, les sélections. L’intérêt exceptionnel de ces textes est lié au fait qu’ils ont été rédigés en 1945, dès le retour de déportation du Docteur André Lettich et du Docteur Lazar Moscovici avec une mémoire intacte, alors que le monde ignorait encore l’ampleur inouïe du massacre." Henri Borlant
LIVRE EN VENTE À LA LIBRAIRIE DU MÉMORIAL DE LA SHOAH, 17 RUE GEOFFROY-L’ASNIER, 75004 PARIS (et sur le site de la librairie en ligne).
Ce texte est un témoignageOn va au cinéma voir des films gore, on lit des polars où l'hémoglobine se mêlent à l'encre, mais lire un témoignage sur des horreurs réelles semble trop dur pour certaines personnes. "J'ai arrêté ma lecture, c'était trop difficile". Le commentaire est courant. A quoi faut-il s'attendre d'un témoignage d'une des pires atrocités de l'histoire ? Pourquoi détourner le regard du récit ?Si nous n'avons pas le courage, c'est-à-dire la force de volonté, de lire un texte, que dire du courage que nous ne pourrions pas avoir devant l'histoire même ? L'esprit "commun" (à qui l'on dicte quoi penser) accepte-t-il simplement la représentation de la violence lorsqu'il sait celle-ci imaginaire ? Et pourquoi ? Pour pouvoir se faire peur et y constater un certain plaisir ? Ou, au mieux, pour se rassurer ? Nous avons là l'occasion de porter attention à ce qui n'est qu'un texte. Que ferions-nous si nous devions porter attention au réel ? Qui le fait aujourd'hui ?Je cite ici la fin du film Nuit et Brouillard, d'Alain Resnais, les propos de Jean Cayrol : "Qui de nous veille de cet étrange observatoire, pour nous avertir de la venue des nouveaux bourreaux ? Ont-ils vraiment un autre visage que le nôtre ? Quelque part parmi nous il reste des kapos chanceux, des chefs récupérés, des dénonciateurs inconnus... Il y a tous ceux qui n’y croyaient pas, ou seulement de temps en temps.Il y a nous qui regardons sincèrement ces ruines comme si le vieux monstre concentrationnaire était mort sous les décombres, qui feignons de reprendre espoir devant cette image qui s'éloigne, comme si on guérissait de la peste concentrationnaire, nous qui feignons de croire que tout cela est d’un seul temps et d’un seul pays, et qui ne pensons pas à regarder autour de nous, et qui n’entendons pas qu’on crie sans fin."Il est, en effet et tristement, beaucoup plus facile de parler de façon générale de "la Shoah". Les mêmes qui trouveraient un témoignage trop cru (trop réel donc !) n'auraient pas la moindre difficulté à parler des camps, du comportement des Polonais, du contexte historique, etc.
Mais entrevoir des faits, les enregistrer... cela est tout différent. Car à penser ce qui s'est produit, on se risque à ne plus considérer cela seul comme un fait passé, mais bien comme un aspect du réel. Et de répondre à la question de Jean Cayrol. Ou de s'étouffer de ne pouvoir répondre.
On peut continuer encore des décennies à parler hypocritement et égoïstement de ce que cela nous évoque, de nos émotions et sentiments ou, comme cela est rare, tenter de fixer l'horreur, et d'entrevoir ainsi - peut-être - le réel, du moins la réalité historique, plutôt que son spectaculaire récit, plutôt que les opinions et les avis chargés d'émotions, de culpabilité, de vengeance, de tristesse, de jugements sur l'homme et sur l'excès de raison.
Étrangement, 1942, Convoi N°8 atteindrait le statut de littérature beaucoup plus  naturellement qu'aucun autre document historique, et même et surtout de façon plus évidente que ces pseudo romans qui sont indécemment publiés chaque années sur le sujet. Et ceci justement parce qu'il est un vrai témoignage et non pas un récit. La littérature étant tout sauf un récit.
A voir
  • Le site internet du merveilleux éditeur, David Moscovici dont l'exigence éditoriale est admirable autant qu'unique. Souvenez-vous du nom des éditions du Retour.
  • Un précédent billet de l'Encreblog sur la publication de l'ouvrage.

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