Magazine Journal intime

Questions, réponses, insultes, éloges

Publié le 03 décembre 2007 par Ali Devine
Cinquième. Contrôle d'éducation civique sur la leçon "L'égalité".

Les Français sont-ils tous égaux du point de vue économique ?
Réponse de Jude : "Non, car les pauvre paye moin que les personne riche car les personne riche doit donné plus d'impo a l'état." Je ne peux m'empêcher de noter dans la marge : "Donc, d'après toi, il vaut mieux être pauvre ?"

Comment expliquer qu'un ouvrier vive en moyenne sept ans de moins qu'un professeur ?
Réponse de Vera : "Plus on travaille, plus on vit moins."
Réponse de Jude : "C'est la vie."
Réponse de Medhi : "Tous les gens ne travaillent pas à l'école donc il y a cette inégalité."

Est-ce que tous les parents touchent l'allocation scolaire de rentrée ?
Réponse de Majdouline : "Non car certains parents n'ont pas d'enfants."



Sixième. Exaspéré par la stupidité hors-norme de Dilan, je parviens à freiner in extremis le flux d'insultes qui me remonte des tripes. Et j'opte pour la litote :
"Dilan, tu n'es pas très intelligente."
Elle sourit.



Au début du cours de quatrième, Camélia vient me demander, à haute voix, sur l'estrade, devant l'ensemble de la classe :
"Msieu, vous allez pas me croire, hein, mais j'ai encore ce problème de fille. J'ai pas eu le temps de changer ma serviette, elle est sale. Jpeux aller à l'infirmerie ?
-Mais l'infirmerie est fermée l'après-midi.
-Tant pis, j'irai à la vie scolaire."
Trop heureux de me débarrasser de ce boulet, je lui donne mon accord.
Elle revient une vingtaine de minutes plus tard et, à peine assise, interpelle Djibril, à l'autre bout de la classe.
"Wesh, rgarde-moi dans les yeux et dis-moi : pourquoi tveux pas sortir avec moi ?"
Djibril ne paraît pas très chaud.
Camélia meuble les dernières minutes de cours en feuilletant des prospectus ayant pour sujet l'hygiène intime des adolescentes. Je pense qu'une surveillante a dû lui filer un échantillon publicitaire pour la dépanner, avec un peu de documentation à l'intérieur. A la fin de l'heure elle laisse tout sur sa table. Sur l'emballage plastique, il est écrit en caractères mignons :

Secrets de fille.


A la fin du cours, Fadila surmonte sa timidité et s'approche de mon bureau. Malgré ses notes passables, j'ai rédigé pour son bulletin une appréciation élogieuse. "Merci msieu, jvous adore !" Sans relever le nez de ma paperasse, je lui réponds à mi-voix : "C'est réciproque."



Cinquième. On est passé à une leçon d'histoire sur l'Empire carolingien.

Moi. -Vous voyez, Charlemagne voulait que les garçons aillent à l'école pour apprendre à lire la Bible. Mais bizarrement, il ne parle jamais des filles. Pourquoi, à votre avis ?
Ümeyhan, 19/20 de moyenne. -Peut-être qu'il n'y avait pas de filles à l'époque ?"



Autour de la machine à café, on tue le temps en attendant que les conseils de classe commencent. Le prof d'allemand, Hubert Allaisse, nous raconte un conseil de discipline auquel il a assisté autrefois, dans un établissement voisin.
"Je ne connaissais pas le gamin qu'on allait devoir juger ; j'ouvre son dossier et je vois qu'il s'appelle Johnny. Et histoire de détendre l'atmosphère, je lui dis : 'Ouah, tu vas allumer le feu, avec un prénom comme ça !' Ouais ouais, vous savez que j'adore ce genre de blague débile, pas la peine de me jeter vos gobelets. -Mais alors, je regarde autour de moi, et je vois que mes collègues ne rient pas du tout. Au contraire ! Ils me tirent franchement la tronche. Et tu sais pourquoi ? Eh ben, ce qu'on reprochait à Johnny, c'est qu'il avait essayé de brûler vif un de ses camarades.
-Oh my god. Et pourquoi il a raté son coup ?
-Ben il avait pas d'essence, alors il a aspergé sa victime de Tipp-Ex. Forcément, ça marchait moins bien."



Choses entendues lors du conseil de la 6e G.

Ganeshkumar, délégué de classe : "Ya des élèves qui lancent des avions en papier, on doit s'arrêter à cause d'eux, et les élèves qui veulent travailler pendant ce temps-là ils doivent attendre."

Un enseignant : "Ce qui est très difficile, dans cette classe, ce n'est pas seulement qu'il y a des très bons et des très faibles ; ça, on commence à avoir l'habitude. Moi, j'ai 11 élèves sur 24 en dessous de 8/20 de moyenne. Mais chacun de ces onze-là a un problème particulier. Il y en a qui ne savent pas du tout écrire en français, d'autres qui sont en rébellion contre l'école, d'autres encore qui sont plongés dans des problèmes familiaux insolubles, et encore d'autres qui sont tout simplement limités intellectuellement. Alors même avec de la pédagogie différenciée, enseigner à un public aussi disparate, c'est compliqué."

Madame Léostic, principale adjointe : "Quand ils sont complètement perdus, on ne sait pas faire. Donc essayons de les récupérer un peu avant."

M. Guérin, conseiller d'orientation - psychologue, à propos d'un élève complètement perdu : "Ça fait cinq ans qu'il est arrivé d'Algérie et il n'est pas entré dans la langue. C'est, au sens exact du terme, un handicapé : il souffre d'un désavantage linguistique, parce qu'il y a chez lui un mécanisme mental qui ne marche pas. Ce n'est pas un problème de quantité de travail, au contraire." Puis il s'aperçoit de la présence des deux délégués des élèves, qui écoutent sans tout comprendre mais avec intérêt ce portrait inattendu de leur camarade. "J'avais oublié que vous étiez là."

Madame Léostic, parcourant le dossier d'un petit dur à cuire : "Quoi ?! Il est né en 94 et il est en sixième ? Mais c'est n'importe quoi."



Sur le chemin du retour, Blur. There's no other way, there's no other way, all that you can do is watch them play !

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Ali Devine 32 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Ses derniers articles