Trail des forts 2010

Publié le 10 mai 2010 par Lejournaldeneon

LE TRAIL DES FORTS à Besançon (7e ÉDITION)

LES CORPS « DÉFAITS »

ET L’INCROYABLE EFFET DU DÉCOR

Le Trail... L’idée d’une excursion dans des paysages fantastiques, le concept peut-être un peu vieillot d’une « randonnée en pleine nature », mais à très grande vitesse. Comment vous expliquer exactement ?!


QUELQUES IMAGES DU TRAIL DES FORTS 2010 / © FRANCE TÉLÉVISION partenaire de l'événement.

Dimanche 9 mars, 8H. Lieu dit La Mallecombe à Besançon. 1300 coureurs prennent le départ de l’épreuve, sur deux distances distinctes (28 et 45 Km). Les conseils de mes amis spécialistes étaient stricts (en l’occurrence, mon amie Maria Charton, et un certain yann Gabet par exemple, le patron du magasin Endurance Shop à Besançon et qui avaient beaucoup ri de mes orgueilleuses prétentions) : L’obligation d’un entraînement à la hauteur de l’événement... C’est-à-dire : trois à quatre séances de course à pied par semaine au moins, pendant deux à trois mois minimum... Une longue préparation spécifique pour qui voudrait « juste » essayer de tenter le diable sur le parcours le plus long. C’est-à-dire 45Km de montées escarpées, de descentes abruptes (près de 4000 mètres de dénivelé général) ; de faux plats dans les deux sens, et sur tous les types de terrains. De la roche rendue glissante par le crachin, des sentiers déversants au bord des cascades, et des tonnes de boue qui colle aux semelles. Des monceaux de pierres qui roulent sous les pieds, et cette multitude de racines saillantes qui obligent à mille précautions. Ce fatras de branches cinglantes... une séance entière de flagellation ! Voilà pour le doux projet d’une aventure laborieuse de course à pied en dehors des routes habituelles, et les risques délectables qui accompagnent obligatoirement ce genre d’aventure sportive aux limites de la résistance morale et physique. Pour rester un instant sur ces bons conseils de mes amis, je dois vous avouer que mon agenda d’entraînement est vide depuis le début de l’année. Un problème dos récurant après une hernie discale il y a 1 an... et l’impossibilité de pratiquer la course à pied depuis tout ce temps. Quelques footing... tout de même et une pratique assidue du VTT depuis l’achat d’une machine de guerre qui monte les côtes toute seule et pique dans les descentes comme un avion. 45 Km... Une distance plus longue qu’un marathon ; et l’idée que certains muscles vierges de la moindre préparation n’apprécieront pas forcément la gentille distraction. Une surchauffe de quelques fibres spécifiques dés la montée au Rocher de Valmy et le début d’un vrai martyr à partir du le 20e kilomètre. Un chemin de croix pour les adducteurs et le dos blessé. Tragique, sublime...

Ne parlions-nous pas ensemble, hier, des corps... des corps tourmentés dans l’histoire de l'art, de l’expression la plus sombre de l’anatomie humaine dans la représentation picturale occidentale. Des corps, torturés, suppliciés, martyrisés. La souffrance comme matrice d’un monde où le sacrifice constitue la règle sourde et la compensation d’un anthropocentrisme fanatique. Une nécessité métaphysique pour supporter l’inacceptable injustice qui régit nos rapports humains. Pourquoi courent-ils ?!... Sans récompense matérielle en ligne de mire, la question n’est pas banale. Au fil des kilomètres, je pensais à cette idée alors... celle d’une rédemption vitale, indispensable en contrepartie d’un confort exorbitant ; ces corps contorsionnés sous la douleur, ces faces grimaçantes... ces yeux, oui, exorbités dans les derniers kilomètres de la compétition. Cette abnégation face aux difficultés. Je ne saurais dire exactement pourquoi ? La recherche d’une preuve d’existence peut-être ? La ferme intention de racheter quelques culpabilités du genre humain, dans l’action individuelle d’une lointaine douleur à supporter pour les autres. Cette idée d’un pêché originel, compris comme un sentiment ancien indélébile de la difficile carrière des hommes sur terre. Une vieille douleur de la grande comédie humaine sans cesse réactualisée. Je ne sais pas. Peut-être encore ce procédé épicurien qui consiste à provoquer une souffrance exagérée, au profit du moment extatique qui doit suivre d’un repos du guerrier mérité. (l’ensemble des réjouissances humaines à savourer comme l’estime de soi, ou la fierté d’avoir honnêtement, régulièrement combattu).

Pour le décor... Les fameux forts dont le titre semble vouloir parler avec l'amusement d'un léger glissement de terrain (je veux bien sûr parler d'un agréable dérapage sémantique. Un joli jeu de mot quoi !) D’abord cette colline de Rosemond et ces ruines du fort Verne, 465m (juste le temps d'un clignement d'oeil un peu furtif). La suite se déroule autour du fort Moncey sur les hauteurs de Planoise (une visite éclair et sans photo-souvenir) avant d’entreprendre la traversée de la vallée du Doubs par le ravitaillement d’Avanne, et de remonter au lieu-dit du Rocher de Valmy (la croix de Lorraine érigée par le groupe Guy Mocquet en hommage de leurs amis fusillés à la citadelle de Besançon le 26 septembre 1943). Les forts devants et les moins fortiches derrière... un bon millier de coureurs un peu à la ramasse déjà ! dans cette partie de mise en jambes, pour rejoindre le cirque du Bout du monde sur la commune de Beure (un des points de vue imprenable sur le Doubs et l’Ouest de Besançon. Juste le tout début du calvaire ! Car le pire est à venir ; en commençant par cette montée raide et glissante qui conduit la course sur le chemin des monts des Buis (près de 300M de dénivelé d'un coup sec). Rien, à côté d’un final taillé sur mesure au-dessus des sources d’Arcier (Un tas de cailloux disposés sur un pan vertical et pas une balustrade pour se raccrocher. une sorte de piste noir de plusieurs centaines de mètres à remonter à mains nues et les mollets en vrac). Mais il reste encore 15 Km pour en arriver là ! La chapelle des Buis, la descente sur more, une remontée jusqu aux ruines du château de Montfaucon (ses supporters, ses troubadours, sa musique baroque et même... une sublime créature humaine aux pieds de chèvre sur le bord du sentier. « Le satyre du bois de la Roche » qui peut m’écrire quant elle veut !) Une montée encore et puis une belle descente, une montée, une descente, une montée...

Après je ne sais plus ! Tout est un peu flou, un vrai trou noir sur l’effroyable escarpement terminal. (Des chèvres volantes, assises sur des boulets de canons, à l’assaut des prussiens en pleine canonnade à Valmy – Valmy, commune française du département de la Marne où eu lieue la bataille célèbre, 20sept 1792. La bataille au lendemain de laquelle fut proclamée... la République française. Rien que ça ! Des corps de chèvres éclatés sous les bombes, de la chair à canon en forme de boue qui colle sous les godasses. Des corps morts à Verdun et leurs effets sur notre envie de courir et de tenir jusqu’au bout coûte que coûte. J’ai tout filmé grâce à ma caméra embarquée rivée sur l’épaule et mon enregistreur de sensations fortes accroché autour du cou. Le résultat bientôt sur www.france3.fr. La preuve de la bataille de Valmy par l’image et une chèvre de haut niveau qui gagne la course à la fin.

Bon et bien voilà... Vous souhaitant un bon repos à tous. Et bravo encore à Arnaud Perrignon (Team Sport et Neige Salomon) pour sa première place et son temps de chamois... Bravo aussi à la brillante première féminine de la distance, Valérie Danton. Salut et à l’année prochaine avec un entraînement adéquat. Juré, craché.

NÉON™

Pour les chiffres (parce qu'il faut toujours bien être comptable de quelque chose) : Néon™ est arrivé à bout de force en 5H45 et s'est classé 218e sur 500 inscrits en individuel. Soit 94e de la catégorie V1. (Bon, le tout en filmant... en portant sur les épaules le matériel nécessaire pour filmer ; en changeant les piles deux fois pour réussir à terminer la course en filmant, et en prenant des poses pour la caméra de France 3 !!...)