Dans Le Monde du 1er Décembre, l’historien et critique d’art Eric de Chassey (présent à la Force de l’art) s’élève contre le fait que les musées se transforment trop souvent en centres d’art en privilégiant les expositions temporaires à la présentation de leurs collections permanentes. C’est sans doute parfois vrai, ainsi à Saint-Etienne qu’il cite, encore que, a contrario, le Louvre ou Orsay peinent plutôt à attirer le public hors des salles permanentes, et que les Musées Picasso ou Bourdelle réussissent fort bien ce subtil équilibre, à mon sens. Je veux bien lancer le débat ici, les commentaires sur le site du Monde ayant plutôt brillé par leur stupidité paranoïaque.
Mais Chassey soulève, involontairement sans doute, un sujet bien plus révolutionnaire en citant la loi du 4 Janvier 2002 relative aux musées de France, loi dont, je l’avoue, j’ignorais les termes. Il y est dit, dans son article premier, que les musées ont pour but “la connaissance, l’éducation et le plaisir du public“.
La connaissance, sans aucun doute, et nul ne le niera.
L’éducation, c’est déjà moins fréquent, et trop de musées regardent avec quelque dédain le public ignare et son besoin de ce qu’ils nomment vulgarisation. Ainsi, par exemple, on débattait ici, il y a peu, du travail éducatif du MAC/VAL, que je juge remarquable et que plusieurs commentateurs critiquaient avec mépris.
Mais le plaisir du public, qui diantre se soucie du plaisir du public ? Des musées scientifiques peut-être, qu’ils soient grand public comme la Villette ou plus pointus comme le remarquable Musée d’Ethnographie de Neuchâtel (mais on a quitté la France); des musées pour enfants, petits (le Musée en herbe du Jardin d’Acclimatation à Paris) ou grands (le Musée de l’Automobile à Mulhouse). Mais des musées d’art ? qu’il soit antique, classique, moderne ou contemporain ? Du plaisir, où çà ?
Dites-moi, chers lecteurs, dans quel musée artistique vous éprouvez régulièrement du plaisir (le vôtre, pas celui d’une figure mythologique ou d’un personnage de Fragonard sur les cimaises). Entendons-nous bien, le plaisir n’est pas pure contemplation passive, consommation docile d’art, mais, au delà de la connaissance et de l’éducation, engagement, implication ou, comme dit le TLF, “satisfaction d’un besoin, d’un désir, accomplissement d’une activité gratifiante”. Pour ma part, si j’associe art et plaisir , le premier nom qui me vient à l’esprit est celui d’un anti-musée, le Palais de Tokyo.
Alors, allons tous protester auprès des Présidents du Louvre et de Pompidou, auprès des doctes défenseurs de l’intégrisme muséal et des nobles pourfendeurs de la loisirification des musées, demandons-leur de rendre des comptes devant la loi, citons-les en justice, envoyons-les à Cayenne, bloquons leurs établissements jusqu’à ce qu’ils nous donnent du plaisir, du vrai plaisir, celui auquel la loi nous donne droit. Aux armes, citoyens !
Pour le plaisir, c’est de Ben, évidemment, et comme lui aussi est à l’ADAGP, ce sera ôté dans un mois, mais vous pourrez toujours le retrouver là, chez les Carmes.