Mademoiselle Chenu,
C'est avec beaucoup de regret que je vous fais savoir que votre aïeule Mme Chenu Bernadette a rendu l'âme voilà deux jours. Elle s'est éteinte vers minuit des suites d'un arrêt du coeur survenu durant son sommeil, sans souffrances ni peines m'a-t-ont assuré à l'hôpital. Etant la dernière descendante vivante de sa famille, je me vois au regret de vous faire parvenir la succession de votre défunte arrière grande tante.
Mademoiselle, que tout le monde appelait madame, Chenu lisait et relisait ce courrier dans le train qui l'emmenait loin de son vieux marché couvert. Elle avait vidé son maigre compte en banque, bradé son étal de fruits et légumes; elle n'avait emporté que quelques effets, deux ou trois livres et son vieux chat asthmatique. Après un rapide calcul, elle pourrait tenir une dizaine d'années avec ce qu'elle avait en Thaïlande. D'après les horaires qu'elle consultait et reconsultait, elle y serait avant la saison des pluies, ce qui restait, malgré tout, un soulagement.
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