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Météorologie d’un rêve

Publié le 14 mai 2010 par Sophielucide

La scène se déroule dans un garage sombre (de rares voitures y sont garées) ou plutôt une sorte de tunnel tel qu’on peut en voir dans les cités, si l’on en juge par la lumière jaune qui se répand au loin. La sensation de fraîcheur oblitère les odeurs fades d’urines mélangées. Avec moi, quelques personnages familiers au visage caché par l’ombre. Pourquoi familiers ? Parce que ce groupe juvénile déploie une joie inconsidérée, telle qu’on ne peut vivre qu’adolescents, exempte de préjugés, imperméable au ridicule.

Le groupe danse et chante, chante et danse. Une chanson que je n’ai plus entendue depuis des lustres mais dont chaque parole semble couler de source. Moi, au milieu, je crie plus que je ne chante : « Comment ça va ? Comment ça va ? Comment ça va pour vous? » Avant de hurler la suite : « parce que pour moi, oh oui pour moi, ça va pas, mais pas, mais pas du tout »….. La chanson est reprise en boucle sans que la moindre lassitude ne s’installe, mieux comme si la jubilation engendrée tenait dans la répétition ad libitum, ad nauseum de cette phrase terrible sous le rythme effréné bien que niais du tempo .

Une silhouette se découpe à l’entrée du tunnel et une voix m’interpelle à plusieurs reprises. L’homme avance et ce n’est que lorsqu’il est suffisamment près, inconsidérément près, que je le reconnais. C’est Alain Souchon, un vieil ado un peu lourdingue qui nous colle aux basques. Il se rapproche encore jusqu’à ce que la pointe de nos baskets se touche. Il est très grand, ce qui me force à lever la tête puisque je ne peux pas reculer.

Gros plan sur les baskets. « T’as vu, on a les mêmes ! » En vérité, elles ne sont pas tout à fait identiques. Du même modèle, elles sont de couleurs différentes. Le tissu des siennes est rayé, le mien représente des losanges. Après ce court intermède en forme de vaine reconnaissance, nous reprenons et lui le premier la chanson de Bruel. Peut-être avec une euphorie redoublée. Nous quittons le tunnel qui conserve une seconde encore l’écho du refrain massacré.

Le temps est à l’orage ; l’adolescence le personnifie. Electrisés, prêts à éclater, trimbalant au dessus de nos têtes le même nuage chargé,  impossible à défaire autrement qu’en pleurant à chaudes larmes dans l’oreiller tiède d’une nuit de pleine lune.

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