J’ai repris le tram, le taxi, l’avion, le bus, le bus encore et puis un dernier autre encore. J’ai respiré à travers le froid, la pollution, l’air artificiel, la climatisation glaciale, la chaleur moite enfin. J’ai plongé à travers mes peurs, au-dessus de mes certitudes présomptueuses, vers la forêt sauvage en moi. Sans parachute, pas de motif professionnel ni billet de retour. Je suis retournée voir Mara.
Après presque 24 heures de voyages, je suis arrivé, fourbu et crade, dans son bled paumé en haut de sa montagne, au milieu de sa jungle luxuriante. Je ne m’étais pas encore habitué au climat et mon corps était couvert de rosée, celle de ma sueur. Elle n’était pas là. Ce sont ces parents qui m’ont accueilli sur la terrasse, les bras ouverts, comme un revenant familier. Tiens, le voyageur de l’au-delà revenait. Fourrer de nouveau son nez dans le merdier ?
Ils ne m’ont pas posé la question, m’ont invité à prendre une douche et puis un verre avec eux. La mère de Mara m’a donné une petite serviette et puis m’a caressé le visage. Elle devait tendre son bras, se hisser presque sur la point des pieds pour me toucher la joue, elle si petite et moi si grand. Comme disproportionné ici. Un Gulliver roux perdu. Nous en avons souri tous les deux.
J’ai plongé dans les vapeurs froides et salvatrices de la douche. Mon corps, reconnaissant, respirait de nouveau. J’ai enfilé des vêtements propres et je les ai rejoints sur la terrasse. Les deux petits vieux m’attendaient avec une bière fraîche en guise de consolation. Nous avons parlé de tout et de rien. Je reprenais goût à parler leur langue. Mara était en ville avec son fils, elle allait revenir d’un instant à l’autre
J’avais comme l’impression qu’ils me cachaient quelque chose mais, pour l’heure, je me laissais aller au repos bien mérité du voyageur harassé sous le ciel étoilé de la nuit tombante.