Magazine Journal intime

Ça ne me tente pas mais…

Publié le 14 mai 2010 par Suzanneb

Ça ne me tente pas mais… faut que ça se fasse.

Je vous raconte ma journée de mercredi le 12 mai au CRCEO de l’Hôtel-Dieu de Québec. (Centre de recherche clinique et évaluative en oncologie)

Ça ne me tente pas de recevoir des traitements de chimiothérapie, j’y vais pour sauver ma vie et parce que je peux décider d’arrêter quand je veux, it’s my own body !

Ça ne me tente pas de quitter la maison à 6:30h le matin pour un RV en médecine nucléaire à 8:00h suivi d’une chimio à 9:15h, de finalement me faire injecter la dite chimio à 14:00h… mais je suis «patiente» comme les autres et j’attends.

Ça ne me tente pas de dépenser proche 20$ en stationnement (sans compter le millage) chaque fois que j’ai besoin de soins… mais je paye et je ferme ma gueule.

Ça ne me tente pas de me demander si je pourrai manger le midi, même si mon rendez-vous en chimio est à 9:15h, mais je m’ajuste aux horaires du personnel (tsé bin… ils dînent eux autres) et à l’achalandage.

Ça ne me tente pas de voir une infirmière tomber dans la face de mon amie qui pour me permettre de me sustenter, avait été chercher des casse-croûtes à l’extérieur.

- J’espère que c’est pas chaud ça ? (en parlant du lunch que ma copine tenait dans un sac)

- Euh… oui ! ?

- Vous allez faire vomir toute la salle ! les odeurs, quand c’est chaud ! (sur un ton sec et sans équivoque)

- Ok madame, on ne le savait pas. Monique, va manger ton lunch dans l’autre salle au fond (de la salle d’attente, là où les odeurs ne dérangeront pas les patients).

Ça ne me tente pas qu’on me refuse de me rendre dans la salle d’attente avec ma copine pour casser la croute, avec mon poteau et un simple soluté en attendant une chimio qui n’arrivera que dans deux heures.

- Mais moi ? je voudrais bien y aller aussi manger mon lunch dans l’autre salle.

- Non, impossible. Vous devez rester ici, sinon je vous enlève les tubes.

- Vous m’enlevez aussi l’aiguille ? (pour ceux qui l’ignorent, on a peu de veines à piquer suite à un cancer du sein, car avec leur maudit évidement ganglionnaire, il ne vous reste qu’un bras à piquer, et les veines s’épuisent vite.)

- Oui, je vous enlève l’aiguille.

Safaque… je suis restée, pas de chance à prendre, je n’ai qu’une veine potable sur ce bras.

Ça ne me tente pas d’argumenter que l’automne dernier, on m’a laissée sortir dehors (avec le même attirail) pour assouvir mon besoin de fumer, de peur que les petites douceurs qu’on peut parfois arriver à obtenir de certaines infirmières, se tarissent si je les ébruite.

Ça ne me tente pas de voir ma copine revenir de faire un tour dehors et m’avouer qu’un patient fumait en bas, avec son attirail, alors que moi, je ne peux pas aller manger dans l’autre salle.

Ça ne me tente pas de me faire traiter comme un morceau de viande avarié… ça m’aurait plutôt tenté de me lever avec mon poteau et de lui lancer:

Essaye donc de m’en empêcher la comique ! (et j’aurais dû le faire, la prochaine fois c’est ce que je ferai)

Ça ne me tente pas de porter plainte parce que sitôt que les autres le sauront, il y a des chances pour qu’on me fasse niaiser encore davantage à mes prochains traitements.

Mais aussi parce qu’à côté de moi, il y avait un monsieur qui recevait de la chimio pour un cancer des testicules.

Il avoue que le médecin avait d’abord diagnostiqué autre chose (un nom trop long et compliqué pour que je m’en souvienne) et qu’il a pris des antibiotiques pendant deux mois. Au bout du terme, la testicule grosse comme une orange, il demande au médecin de la lui enlever. Finalement, à force d’argumenter il obtient qu’on procède à la chirurgie. La biopsie sur les tissus démontra une tumeur maligne. Le cancer s’est propagé, métastases au poumons entre autres. Pas drôle.

Dès que je me suis assise dans le fauteuil voisin, j’ai constaté qu’il discutait avec un membre du personnel hospitalier, de divers problèmes auxquels ils devait faire face, des problèmes d’administration dans l’hôpital, des erreurs, des oublis, suivi de dossier et j’en passe.

Ensuite il s’est débattu au téléphone pour obtenir des réponses… vous auriez dû l’entendre essayer de connaître l’heure d’un rendez-vous déjà pris par un médecin pour lui… on aurait cru qu’il demandait la fille en mariage tellement elle a pris de temps à lui donner une réponse!

Le pauvre, il est là 7 heures par jour, 5 jours par semaine, il dit qu’il fait son 40 heures à l’hosto, c’est un fumeur, il est toujours en manque. Ayoye ! je lui ai demandé candidement ce que les médecins lui avaient promis pour lui faire accepter de se soumettre à ces traitements ? il m’a répondu: un peu de temps.

J’ai pas eu le courage de lui dire… «Sortez d’ici au plus vite mon bon monsieur!».

Ça ne me tente pas de me plaindre quand je vois des patients qui consacrent leurs derniers jours à se battre au téléphone pour un maudit rendez-vous, alors qu’ils sont «plugés» à une tubulure 35 heures par semaine, en manque de nicotine, à manger du «frette», et à espérer … un peu de temps.

C’que ça m’tente dans ces moments là, c’est de crever. Mais je ne leur ferai pas ce plaisir. Je vais continuer.

S’ils peuvent avoir assez honte de leur comportement pour avoir le goût de changer d’attitude ou de job… si ça peut en aider d’autres… faut le dire et accepter les conséquences. Et les conséquences si elles arrivent, vous seront communiquées sur le champ ainsi qu’à divers médias.


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