extraits
CATTIVU SUGHJETTU ’SSU ZITELLU
« Pesciu Anguilla accumpagnava spessu a piccula clicca, principalmente i jorni d’elezione. Cun d’altri scarambulenti, ellu marchjava a u passu, cume quand’ellu currìa appressu a’ musica militare : Tutti facìanu coll’e fala par nant’a Traversa, cantendu :
On sonne la trompette,
On tire le canon.
C’est une grande fête.
Vive Napoléon !
L’occhj eranu lucenti. I petti s’ingunfiavanu. Nudi e scalzi, ’ssi disgraziati purtavanu in elli una fede, una fede scema chi l’ajutava però a suppurtà a so’ miseria.
« Sta notte venerai a piscà cun me », avìa dettu Furtunatu. Ma, a sera, fece un tempurale, e U Frédéric un surtì micca di portu. In seguitu, Faustina e u maritu ragiunonu.
― Sarebbe megliu a dalli un mistiere, disse ella.
― Cosa voli fà ? dumandò u babbu a Pesciu Anguilla.
― U « cirer » dicchjarò u zitellu.
― Ben pensatu ! rispose Furtunatu, sarai « cirer ».
Cume l’avemu detta, Pépé amava a girandulà par i canti : a u mare, par ’ssa campagna, a un gran dannu di u so’ travagliu. « A chi dorme, un piglia pesci » dice u pruverbiu. Cusì, trascurendusi, Pesciu Anguilla guadagnava pochi e micca soldi. Arrivatu in casa, a mamma li dumandava :
― Hai fattu assai, oghje ?
E quandu u zitellu un rispondìa, era segnu chi l’affari eranu magri. Faustina u rimpruverava :
― Sì statu a corre a u mare. A nutà, unn’è ?
Un la pudìa negà. U mare era induv’ellu perdìa u so’ tempu, disfidendu i so’ cumpagni chi, per nutà, u ricuniscìanu per u so’ maestru.
― Hai da sente a Ellu ! dicìa a mamma.
Ma qualchi volta, più assiduu (o più furtunatu) s’ellu purtava una bona jurnata, Faustina si rallegrava :
― Bravu, caru di mamma ! Cusì, si !... Vedi, quande tu voli, cume tu sì astutu ?
E li pigliava i soldi, ricumandenduli di dì a u babbu ch’ellu n’avìa guadantu più pochi.
Faustina imbiancava ancu l’archiprete Canone, curatu di San’ Ghjuvanni, prelatu chi ne impunìa cu a so’ bella prestanza. Canone, pienu di cumpiacenza per Faustina, evitava di parlà di Pépé. E quand’ell’un pudìa fanne di menu, un ne dicìa nè bè, nè male. A verità, ghjè chi u facìa scaccià di San’ Ghjuvanni da u svizzeru, dicenduli : « Cattivu sughjettu ’ssu zitellu. Nè pulizia, nè pulitezza. Entre in chjesa cume ind’una stalla. »
Faustina passava u marcuri a lavà a u Fangu, Pépé venìa ad ajutalla a purtà a roba in casa. Sta roba era arrangiata ind’un tinazzone, sott’un solu di cennera. Quandu l’acqua bullìa a u focu, Pesciu Anguilla, a belle cazzarulate, a versava nant’u tinazzone. Era u so’ solu travagliu di a sera […] »
Sebastianu Dalzeto, Pesciu Anguilla, Rumanzu bastiese [1930], La Marge édition, 1990, pp. 45-46-47.
QUEL MAUVAIS SUJET, CET ENFANT !
« Pépé l’Anguille accompagnait souvent la petite clique, surtout les jours d’élections. Avec d’autres vagabonds, il marchait au pas, comme lorsqu’il courait après la musique militaire. Tous montaient et descendaient la Traverse en chantant :
On sonne la trompette,
On sonne le canon,
C’est une grande fête.
Vive Napoléon !
Les yeux brillaient. Les poitrines se gonflaient. Torse et pieds nus, ces malheureux plaçaient en eux une foi, une espérance folle qui les aidaient pourtant à supporter leur misère.
― Cette nuit tu vas pêcher avec moi, avait dit Furtunatu.
Le soir, il y eut une tempête. Le Frédéric ne sortit pas du port. Ensuite, Faustina et son mari discutèrent.
― Il vaudrait mieux lui donner un métier, dit-elle.
― Que veux-tu faire ? demanda son père à Pépé.
― Cireur, déclara l’enfant.
― Bien pensé ! répondit Furtunatu, tu seras cireur.
Nous l’avons dit, Pépé aimait, aux dépens de son travail, vadrouiller dans les moindres recoins, à la mer, à la campagne. « Qui s’endort sur le pont ne prend pas de poisson », dit le proverbe. Ainsi, au fil des jours, Pépé l’Anguille ne gagnait-il presque pas d’argent.
Arrivé à la maison, sa mère lui demandait :
― Tu as fait assez, aujourd’hui ?
Et quand l’enfant ne répondait pas, c’était signe que les affaires étaient mauvaises. Faustina le grondait.
― Tu es allé courir au bord de la mer. Nager, n’est-ce pas ?
Il ne pouvait pas le nier. La mer était le lieu où il perdait son temps, défiant ses compagnons qui, à la nage, le considéraient comme leur maître.
― Tu vas l’entendre, lui ! disait sa mère.
Mais parfois, plus assidu (ou plus chanceux) s’il rapportait une bonne journée, Faustina se réjouissait.
― Bravo, mon petit ! Ça, c’est bien !... Tu vois comme tu es malin, quand tu veux ?
Elle prenait son argent en lui recommandant de dire à son père qu’il avait gagné moins.
Faustina blanchissait aussi le linge de l’archiprêtre Canone, curé de Saint-Jean, un prélat qui en imposait par sa belle prestance. Canone, plein de complaisance envers Faustina, évitait de parler de Pépé. Et lorsqu’il ne pouvait pas faire autrement, il n’en disait ni bien ni mal. La vérité, c’est qu’il le faisait chasser de Saint-Jean par son bedeau, en lui disant : « Quel mauvais sujet, cet enfant ! Ni propreté ni politesse. Il entre dans l’église comme dans une écurie. »
Faustina passait son mercredi à laver au Fango. Pépé venait l’aider à rapporter le linge à la maison. Ces vêtements étaient placés dans une grande cuve, sur un lit de cendres chaudes. Quand l’eau bouillait sur le feu, Pépé, la versait à grandes louchées dans la cuve. C’était son seul travail du soir [...] »
Sebastianu Dalzeto, Pépé l’Anguille, Éditions Fédérop, 2010, pp. 49-50-51. Traduction de François-Michel Durazzo.
■ Sebastianu Dalzeto
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→ Pépé l'Anguille (note de lecture)
→ Pépé l’Anguille (café littéraire à Aix-en-Provence)
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