Des horizons remplis de formes incertaines...

Publié le 17 mai 2010 par Araucaria
J'ai envie de repartir... Hier depuis bien longtemps, je me suis promenée sur la plage au sud de Bastia, il y avait enfin une éclaircie. La mer découverte chaque jour depuis mes fenêtres, c'est bien, mais l'approcher c'est encore mieux... J'ai envie les jours prochains de vous emmener en voyage avec un recueil de nouvelles. Comme introduction à ce nouveau départ, je vous offre une poésie de Victor Hugo. Lorsque j'ai lu : "Vois, ce spectacle est beau - Ce paysage immense. Qui toujours devant nous finit et recommence;", j'ai fait un bond instinctif de quelques mois en arrière, lorsque croisieriste notre navire a fait escale à Funchal, et que j'ai découvert Cabo Girao. L'océan était là, majestueux, arrogant. La brume était présente. La végétation luxuriante. Les bois étaient de nature tropicale. Pas de champs de blés, mais des bananeraies et une profusion "d'oiseaux de paradis"...
 



Madère - Photo l'Internaute -

Au bord de la mer (extrait)

Vois, ce spectacle est beau. - Ce paysage immense
Qui toujours devant nous finit et recommence ;
Ces blés, ces eaux, ces prés, ce bois charmant aux yeux ;
Ce chaume où l'on entend rire un groupe joyeux ;
L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes ;
Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes,
Montrant la double main empreinte en ses contours,
Et des amas de rocs sous des monceaux de tours ;
Ces landes, ces forêts, ces crêtes déchirées ;
Ces antres à fleur d'eau qui boivent les marées ;
Cette montagne, au front de nuages couvert,
Qui dans un de ses plis porte un beau vallon vert,
Comme un enfant des fleurs dans un pan de sa robe ;
La ville que la brume à demi nous dérobe,
Avec ses mille toits bourdonnants et pressés ;
Ce bruit de pas sans nombre et de rameaux froissés,
De voix et de chansons qui par moments s'élève ;
Ces lames que la mer amincit sur la grève,
Où les longs cheveux verts des sombres goëmons
Tremblent dans l'eau moirée avec l'ombre des monts ;
Cet oiseau qui voyage et cet oiseau qui joue ;
Ici cette charrue, et là-bas cette proue,
Traçant en même temps chacune leur sillon ;
Ces arbres et ces mâts, jouets de l'aquilon ;
Et là-bas, par-delà les collines lointaines,
Ces horizons remplis de formes incertaines ;
Tout ce que nous voyons, brumeux ou transparent,
Flottant dans les clartés, dans les ombres errant,
Fuyant, debout, penché, fourmillant, solitaire,
Vagues, rochers, gazons, - regarde, c'est la terre !
Victor Hugo - (Les chants du crépuscule)