Je me souviens, c'était un jour de printemps, très doux. Barcelone était grise. J'étais là pour une quinzaine, en vacances chez des amis. C'était un jour de semaine parce que je l'ai visité seul : le Parc Güell. Je suis arrivé par les maisons de garde, ces deux pavillons qui se font face. L'accumulation débridée de formes, de matières, de couleurs aurait du heurter ma culture de français stressé mais immédiatement j'ai eu l'impression d'entrer dans un pays de rêve ; une impression qui s'est renouvelée à chaque visite.Je me souviens avoir aperçu, au dessus d'une petite forêt de pins, le clocher de la demeure qu'occupait Gaudi avec son père et sa nièce. J'aimais l'idée qu'il ait vécu dans ce même parc avec sa famille, jusqu'à la fin de ses jours. J'appris par la suite qu'il s'agissait d'une maison témoin sensée inciter les familles de la cité à s'installer ici. L'histoire de la réalisation du jardin augmentait encore les rêves générés par la simple vue de tous ces paysages : aucun angle de vue n'y ressemblant à un autre. L'envie de vivre là éternellement était plus prenante ici que dans aucun lieu que j'avais pu connaître auparavant.Curieusement, ce n'est pas l'idée d'un jardin d'Eden retrouvé qui donnait cette envie. Bien plutôt l'étrange sentiment que ce pays de rêve n'était pas éloigné d'un pays de cauchemar. Et c'est cette ambiguïté qui était tellement séduisante, excitante. A tel point que lors de cette première visite, mes sens étaient aux aguets, prêts à être surpris par tout ce qu'ils expérimentaient et j'étais surpris malgré cette appréhension. La vision de la Grande Place, qui surplombe la forêt de colonnes, avec son banc de mosaïques ondulant sur une distance interminable et sa terrasse en surplomb et ses allées de palmiers m'achevait. Je ne suis plus jamais parti.
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