Magazine Journal intime
J'aime pas ta clope
Publié le 26 mars 2010 par Liss
Non, je ne pouvais pas rester sur la note négative du billet de janvier dernier, intitulé Internet, cette peste ! J’étais alors on ne peut plus déçue par l’attitude réfractaire des élèves dès qu’il s’agit de lecture et de travail. J’étais découragée par leur paresse, parfois excessive, alors qu’ils sont capables de beaucoup lorsqu’ils s’en donnent la peine. Je le savais qu’ils pouvaient surprendre agréablement, mais quand ? à quelle occasion ? ça, impossible de le savoir à l’avance ! On essaie des choses, se demandant avec angoisse ce que ça va donner. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas. Quand ça marche, quel plaisir ! Ces étincelles qu’ils s’évertuent à camoufler sous une apparente indifférence, je viens de les voir jaillir, je m’empresse donc de donner en quelque sorte une suite positive à ce précédent billet, pour équilibrer les choses.Nous étions en train d’étudier la correspondance aujourd’hui, les mails par exemple. Nous en avons lu un d’une jeune fille qui écrit à une association de lutte contre le cancer. Elle déclare avoir écrit un poème pour dire tout le mal causé par le tabac. Dans la deuxième moitié de l’heure, j’ai donc demandé aux élèves d’imaginer ce poème, histoire de les occuper. « Produisez-moi quelque chose qui frappe les esprits, avec des rimes bien sonnantes si possible. Ne vous préoccupez pas de la longueur des vers. Même nombre de syllabes ou pas, les vers restent des vers. Vous pouvez travailler à deux. » Je ne m’attendais pas à ce qu’ils se passionnent pour la chose. Sous mon regard étonné, j’ai vu ces élèves de 4e muer soudain et se transformer en jeunes poètes. Même les petits indisciplinés, les gros bavards, les contrevenants permanents aux règles en vigueur en classe se sont révélés, le temps d’une création, comme étant des auteurs de talent. J’en ai même qui ont tout bonnement ajouté la mention « écrivain et poète », à côté de leur nom, au bas de la feuille.Tenez, dans le genre court mais précis, H. et C. n’y sont pas allées par quatre chemins :Le tabac c’est pas bien, ça rend tout vilainLe tabac c’est pas bon, ça rend vraiment conLe tabac donne le cancer avec son mauvais airA., elle, tire la sonnette d’alarme :Arrête-moi ça !Arrête la cigarette,Ça va te rendre trop bête ;Arrête de fumer,Ou tu finiras chouté !Une fois que tu commences,T’es piégé,Les violences et les urgences,Tu finiras par en abusés.Le tabac,N’y touche pas,Ou tu finiras tout raplapla !Vous aurez remarqué que je vous sers le texte tel quel, sans correction orthographique ni grammaticale aucune. Ça ajoute à la beauté du texte, je trouve. Pour une fois je n’ai pas sorti mon stylo rouge, même quand l’orthographe était endommagée par les mauvaises habitudes contractées avec le virus SMS :Le tabac c pas pour toiC comme la Playstation 3Si tu joue une fois elle se retrouve chez toiSi tu ve pas arreter je vais devoir te defoncerNon c pour rigoler mais le tabac nuis a la santéEt a toute l’umanitéDe l’humour et du réalisme avec cette comparaison à la playstation, pour traduire l’addiction à la nicotine ! Alors je n’allais tout de même pas incriminer Y. à cause des entorses à l’orthographe, pour une fois qu’il s’applique à faire quelque chose de bien ! D’habitude il s’applique à... bavarder, de la première seconde du cours à la dernière.Je parlais de réalisme, jugez donc le poème de H.Bad nicotineElle te séduit et elle te tue,Nicotine, goudron, pétrole sont ses armes absoluesTu t’en tape plusieurs par joursTu ne peut plus te passer d’elleC’est la crise, tu t’en fou, t’en achète quand mêmeTu la grille…Mais celle qui va te fuméeC’est bien elle !!Dans le genre ‘‘conseils de deux jeunes filles sages’’, et elles sont sages, P. et F., elles travaillent toujours ensemble, elles sont efficaces :A bas le tabacFumer,C’est pas bon pour la santé.Deviens pas dépendant,Sinon, jaunes seront tes dents.Ce n’est pas bon,Ça favorise le cancer du poumonAlors, si t’es accro,Bois plutôt de l’eau…Sur le mode ludique, A. et A. proposent une définition du tabac :T comme tué le tabac peut tuéA comme arrêt cardiaque le tabac peut arrêter le cœurB comme bêtise fumer est une grosse bêtiseA comme abrutit il faut être abruti pour consomé celaC comme cochonerie le tabac est une cochonerie qui ne fait que détruire ce que tu construitTABAC certifié dangereux.Pas d’hypocrisie avec J. : on veut arrêter les dégâts provoqués par le tabac ? La solution est pourtant simple !Le tabac, je n’aime pas çaSavez vous pourquoi ?!Le tabac vous ruineEt en plus ça donne mauvaise mineLe tabac ne sert à rienÇa ne vous fait pas du bienMieux vaut le supprimerAu lieu de le consommerPourquoi a-t-il été inventéSeulement pour vous empoisonnerC’est bien pour l’argent…Malheureusement.Vous êtes sportif ? Alors le poème de R. saura vous toucher.Si tu fumes,Pas de compétitionsTu cours, tu t’essoufflesCigarette, briquet et cendrierSont tes nouveaux compagnonsEt guerre avec tes poumons !Si tu t’arrètes,Plus de contraintesTu vas vers le bonheurSur le mode ironique, voici le poème de M. Faut peut-être que je m’assure qu’il n’est pas allé pomper ça quelque part (mes doutes qui me reprennent). En effet quelques uns m’ont rendu le travail le lendemain ou le surlendemain. Mais je lui fais confiance, il m’a déjà montré qu’il avait des ressources.Ma famille, mes amis, mes frèresVoilà déjà tant d’années que le tabac ronge notre ère,Il pourrit notre airEt détruit notre terreCombien d’adultes allez vous laissez mourir ?Combien d’ados comptez vous regardez périr ?Bon dieu, il faut réagir !!Il n’y a déjà que trop de martyrs…Voilà après tout, devenir fumeur,Ça ne fait pas si peur,A part des poumons affectés,Et des milliers de décédés…Il n’y a pas de quoi être effrayé !!!Bon, dites-moi, n’est-ce pas beau tout ça ? Je me demande combien fumeront malgré tout dans quelques années. Et vous donc ? Vous qui lisez, vous qui prétendez ne pas pouvoir arrêter, A. vous demande d’arrêter vos simagrées :C’est écrit sur vos paquetsFumer nuit à la santéQuand vous avez commencéVous ne pouvez plus vous arrêterÇa augmente le taux de mortalitéArrêtez !! C’est juste une question de volonté…Bon, je ne peux tout vous faire lire, tant pis pour vous. Ah ! j’oubliais : le titre « J’aime pas ta clope », c’est le premier vers du poème de L. Voilà. … Comment ? Oui, oui, je vous l’accorde, va falloir consacrer une séance de langue sur ces poèmes : correction de l’orthographe, de la grammaire, de la ponctuation. D’accord, d’accord. En attendant, goûtez avec moi ces jolis textes. Ils sont créatifs, ils sont adorables, ces enfants ! Ah la chance que j’ai de me frotter à ces intelligences !