La libellule

Publié le 26 mai 2010 par Araucaria
Eveils
"Chacune des séquences de notre vie est comme un instant d'éveil inclus dans chacune des particules où vient danser la lumière... De ces particules qui composent l'air du temps présent, mais qui conservent la mémoire de notre source et la perspective de notre embouchure... De ces atomes qui entrent en vibration pour transporter les parfums, les couleurs et les sons...
Et même si, à l'échelle de l'univers qui nous entoure, notre existence à le caractère éphémère et la fulgurance du vol des papillons ou de la danse légère des bulles de savon de notre enfance, cela n'a pas d'importance puisqu'elle recèle l'éternité tout entière dans la poussière de l'instant..."
Jean-Pierre Guéno

Photo l'Internaute - Calopteryx splendens - Caloptéryx éclatant © Gérard Thérin


"Il a mis ses mains en conque l'une contre l'autre, sans serrer. Entre ses paumes, il restait une petite caverne. Il a dit : "J'ai attrapé une libellule". Dans la caverne, il y avait une libellule!
Il a dit : "Quelle couleur ça a, une libellule?", alors nous avons bien réfléchi. Nous, c'était sa fille et moi. Pas bien grandes. Quatre ans?
Chacune de nous a dit une couleur. Il faisait beau, on a pu passer le gué facilement.
Il a ri : "Et puis? Et puis?" Alors, c'est parti comme un feu d'artifice, on a dit toutes les couleurs qui nous passaient par la tête, des plus raisonnables aux plus inventées, des plus plausibles aux plus excentriques. Un vrai feu d'artifice.
Il a cessé de rire, et il nous a dit de faire bien attention, de bien regarder, que ça irait très vite, une libellule qui s'envole. Nous, on voulait la garder, la libellule, mais il nous a dit non. Que sa place était ici, pas dans ses mains, pas dans une boîte, mais ici, dans l'air, qui nous éblouissait trop parce qu'il était à contre-jour, parce qu'il y avait toute cette lumière sur la rivière. Il a ouvert les mains, et la magie s'est envolée. Nous étions graves, émus. Il nous a prises par la main. Repasser le gué, rentrer. Je pense qu'on en vit plein, des premières fois, mais c'est celle-ci que je voulais vous dire. Première fois à facettes, comme les yeux des libellules. La magie continue à voler : je suis sûre que l'air est plein de libellules, même si on ne les voit pas."
Chantal
Premières fois - Le livre des instants qui ont changé nos vies - Sous la direction de Jean-Pierre Guéno - Librio n° 612 -