Comme un
jour j'étais allé voir des anachorètes pour des affaires particulières, je
m'arrêtai quelque temps en dehors de leurs cellules, et je les entendis faire
grand bruit, et se quereller ensemble comme des perdrix dans leur cage : tant
était grande la fureur qui les animait. Enfin elle était telle que, quoique
celui qui les avait si fort irrités, fût absent, ils agissaient comme s'il eut
été présent, et semblaient lui sauter au visage. Je leur conseillai de quitter
leurs cellules et de se retirer tout simplement dans un monastère; car vraiment
je craignais que d'hommes qu'ils étaient, ils ne devinssent d'abominables
démons.
Dans d'autres communautés j'en ai vu d'une espèce toute différente : c'étaient
des gens mous et efféminés, sujets à l'intempérance et à la sensualité, trop
affectionnés et trop flatteurs vis-à-vis de leurs frères, et prenant les soins
les plus minutieux pour la propreté et la beauté de leurs corps. Or à ceux-ci,
je leur conseillai de se retirer dans le désert, parce que la solitude est
l'ennemi irréconciliable de la luxure et de la sensualité; car je redoutais que
d'hommes raisonnables qu'ils étaient, ils ne devinssent semblable aux bêtes
privées de raison.
Lorsqu'il m'arrivait de trouver des gens qui se plaignaient amèrement de se
voir tentés et de colère et de mollesse, je les pressais fortement de ne se
conduire jamais eux-mêmes, mais de vivre sous le joug de l'obéissance. C'est
pourquoi il m'arrivait souvent de prier charitablement leur supérieur de leur
permettre de vivre tantôt dans la solitude, tantôt dans l'intérieur du
monastère, de manière néanmoins que, dans l'un ou l'autre de ces deux états,
ils fussent toujours sous la dépendance et l'autorité de leur supérieur.
saint Jean
Climaque : L'Échelle sainte
«De la douceur, qui
triomphe de la colère.» (RU)