degré VIII, XXIV

Publié le 28 mai 2010 par Moinillon

Comme un jour j'étais allé voir des anachorètes pour des affaires particulières, je m'arrêtai quelque temps en dehors de leurs cellules, et je les entendis faire grand bruit, et se quereller ensemble comme des perdrix dans leur cage : tant était grande la fureur qui les animait. Enfin elle était telle que, quoique celui qui les avait si fort irrités, fût absent, ils agissaient comme s'il eut été présent, et semblaient lui sauter au visage. Je leur conseillai de quitter leurs cellules et de se retirer tout simplement dans un monastère; car vraiment je craignais que d'hommes qu'ils étaient, ils ne devinssent d'abominables démons.
Dans d'autres communautés j'en ai vu d'une espèce toute différente : c'étaient des gens mous et efféminés, sujets à l'intempérance et à la sensualité, trop affectionnés et trop flatteurs vis-à-vis de leurs frères, et prenant les soins les plus minutieux pour la propreté et la beauté de leurs corps. Or à ceux-ci, je leur conseillai de se retirer dans le désert, parce que la solitude est l'ennemi irréconciliable de la luxure et de la sensualité; car je redoutais que d'hommes raisonnables qu'ils étaient, ils ne devinssent semblable aux bêtes privées de raison.
Lorsqu'il m'arrivait de trouver des gens qui se plaignaient amèrement de se voir tentés et de colère et de mollesse, je les pressais fortement de ne se conduire jamais eux-mêmes, mais de vivre sous le joug de l'obéissance. C'est pourquoi il m'arrivait souvent de prier charitablement leur supérieur de leur permettre de vivre tantôt dans la solitude, tantôt dans l'intérieur du monastère, de manière néanmoins que, dans l'un ou l'autre de ces deux états, ils fussent toujours sous la dépendance et l'autorité de leur supérieur.
saint Jean Climaque : L'Échelle sainte
«De la douceur, qui triomphe de la colère.» (RU)