les illusions perdurent

J’entends bien qu’on s’impatiente à côté de moi ; qu’avec ma chaussure au pied tandis que l’autre est dans ma main j’agace à pianoter d’un doigt.
On m’attend.
On soupire.
Les spirales de l’escalier, son tapis vieux rouge, la rambarde chétive qui tremble à chaque pas forment  le décor très peu ecclésiastique de l’habituel sermon sur le scandale à préférer l’écran à la vie réelle.
De la fenêtre, les stridences d’un ravalement proche font guise d’angoissantes orgues.
Une marche, un reproche, et je me voute à mesure.
Arrivé en bas s’entend le grésillement qui précède le déclic de la porte annonçant la blancheur du réel nu que les reproches rabâchés ne me feront que davantage haïr.
Sur les trottoirs il n’y plus que le vieux beau en foulard, bouffi et rosé par l’opulence, les airs offensés de l’adolescente à frange que l’aigreur à déjà tailladée de deux longs traits verticaux de chaque côté de la bouche, les défécations qui s’étendent en trainées….

Gros traits et schématisme assumés :

Quand le protestantisme, tout à son retour fantasmé aux sources, à son désir fou de pureté originelle a chassé les images de ses temples, un des aspects de la contre-réforme, celle menée par les jésuites, fut de miser au contraire sur la profusion décorative pour ramener le fidèle au bercail papiste.

Recrutant les plus prestigieux des architectes, peintres, sculpteurs, Rome surchargea donc  ses églises des délicieuses outrances pâtissières du baroque onctueux.
En France, toute Saint-Barthélemy qu’il y ait eu, le protestantisme ne fut pas perdant.
Gardant néanmoins du catholicisme un certain penchant pour la hiérarchie intrusive, nous fumes le pays où un Huguenot, certes converti, pris la couronne, le pays ou la prédestination revint par la fenêtre de Jansénius, le pays d’où les jésuites furent chassé à plusieurs reprises.
Traine encore ici un vieux fond de méfiance vis-à-vis des images.
Rien d’étonnant donc à ce que le virtuel ne soit abordé que sous l’angle moral de la condamnation de principe.
Nous chassons l’illusion mystificatrice.
Selon  le professeur Edward Castronova, spécialisé en  télécommunication et en économie, le jeu en ligne Norrath, le monde imaginaire d'EverQuest, produit un PIB qui le place au 77ème rang mondial, entre la Russie et la Bulgarie, plus élevé que celui de la Chine ou de l'Inde. L’unité de base de la devise d'Everquest a une valeur réelle supérieure au Yen ou à la Lire.