Jouant sur la paranoïa du client, les distributeurs d’électronique ont fait de l’extension de garantie leur vache à lait.
Le principe de ces extensions ? Un rallongement payant de la garantie légale permet par exemple au consommateur d’étendre le délai de garantie de deux à cinq ans, et d’étendre la couverture de sa garantie à la totalité du produit quand seulement une composante était prise en charge par la garantie normale. Certaines garanties « complémentaires » offrent aussi la possibilité de remplacer le produit défectueux par un produit neuf.
Ces extensions sont parfois onéreuses. Exemple : une centaine d’euros pour une machine à laver qui en vaut 500, ou 70 euros pour un netbook acheté 300 euros.
Le principe existe depuis plusieurs années, mais il se généralise aujourd’hui chez les vendeurs d’électroménagers et d’électroniques et chez les vendeurs en ligne. Les distributeurs, qui ne font plus beaucoup de marge sur la vente de produits, se rattrapent par la vente de services (extension de garantie, assurance casse et vol, installation à domicile, etc).
L’enseigne profite largement de la souscription d’extensions, puisqu’il y a en fait peu de retour de produits pour réparation.
Objectif : une extension pour trois produits vendus
C’est le cas de la Fnac. L’entreprise du groupe PPR intéresse directement ses vendeurs en leur donnant des objectifs en termes de placement de garantie, qui leur permettent d’améliorer leur salaire. Un vendeur explique :
« Il y a toujours eu des extensions de garantie, mais avant on n’avait pas d’objectif chiffré. En ce moment, on touche une petite commission sur les extensions, allant de 30 centimes à 2 euros selon le niveau de garantie vendu. Les extensions de garantie sont aussi inclues dans notre VIM. »
La VIM (variable individuelle magasin) constitue la partie variable du salaire, calculée à partir du chiffre d’affaires du magasin et des résultats individuels des vendeurs. La moitié de la VIM prend en compte le nombre d’adhésions à la Carte Fnac, l’autre moitié la vente de services, dont l’extension de garantie.
Pour cette dernière, deux variables sont à prendre en compte :
- le taux de placement (l’objectif est de placer une extension pour trois produits vendus)
- et le ratio (niveau d’extension vendu).
En revanche, le salaire fixe à la Fnac est « relativement normal » comparé à ce qui se pratique chez Darty ou dans d’autres enseignes qui fonctionnent avec un salaire fixe plus bas (qui peuvent être entre 500 et 800 euros) et un système de commissions : le revenu mensuel dépend alors en grande partie des commissions touchées grâce à la vente de services.
Une employée de chez Darty nous confie que les vendeurs touchent une commission de « 2 euros par extension de garantie souscrite », quel que soit le produit vendu. L’objectif mensuel du magasin dans lequel elle travaille, à Paris, est de 20% d’extensions de garantie sur le total des produits vendus.
« On n’hésite pas à mentir sur la garantie légale »
Un ancien vendeur d’ordinateurs portables chez Surcouf nous raconte son expérience en fin d’année dernière, juste avant le rachat du distributeur de matériel informatique par Youg’s :
« Chez Surcouf, l’objectif était de vendre 30% d’extensions par mois et on touchait 10% du montant de chaque extension vendue.
Surcouf fait des prix très bas et ne fait donc quasiment pas de marge sur les produits. Ils marchent uniquement aux services et les vendeurs sont poussés à fond, surtout en fin d’année. Moi, j’étais par exemple à 80% d’extensions sur l’ensemble de mes ventes. »
Pour parvenir à ses fins, toute technique est bonne. Bien sûr, l’argument premier est de pointer le manque de fiabilité des engins actuels :
« Le but du vendeur est de convaincre le client que le produit ne va pas marcher longtemps, en mettant l’individu dans un état de psychose. Il y a une part de bobard mais aussi une part de réalité, car certains produits ne sont réellement pas fiables. On n’hésite pas non plus à mentir sur ce que prend en charge la garantie légale. »
L’intérêt de l’extension dépend du produit
L’UFC Que Choisir se montre « très sceptique » face à l’intérêt des extensions de garantie, comme l’explique Nicolas Godefroy, juriste à l’association :
« Soit les produits sont assez fiables, comme certains de nos tests l’ont prouvé, soit la chute rapide du prix fait qu’il est moins intéressant de prendre une extension à l’achat d’un produit que de le racheter à neuf au moment de la panne. »
Nicolas Godefroy s’indigne de certaines pratiques sur Internet : des vendeurs qui ne veulent pas prendre en charge les produits et renvoient au fabricant, des « cases précochées » qui souscrivent une extension de garantie d’office ou des offres de garantie complémentaire qui « entrent en concurrence directe avec ce que propose déjà la garantie légale ». Exemple : l’échange à neuf en cas de grosse panne.
Les vendeurs s’accordent cependant à dire que l’extension de garantie peut être pertinente selon le type de produit concerné -plus ou moins fragile- et à partir d’un certain prix. « C’est du cas par cas », admet Nicolas Godefroy.
Source Eco89