Ce dimanche : Solennité de la Très Sainte Trinité (4)

Publié le 30 mai 2010 par Hermas

La Messe de la Sainte Trinité

Nous avons noté au début de cette « étude-méditation-réflexion », en citant Dom Guéranger que « ce n'est qu'après de longs siècles que la Messe de la Trinité était venue s'inscrire sur le Cycle de l'Année liturgique ». Dom Guéranger (que nous citerons  largement ici) expose les raisons qui ont « retardé » cette Fête de la Sainte Trinité :

« Tous les hommages que la Liturgie rend à Dieu ont pour objet la divine Trinité. Les temps sont à elle comme l'éternité; elle est le dernier terme de notre religion tout entière. Chaque jour, chaque heure lui appartiennent. Les fêtes instituées en commémoration des mystères de notre salut aboutissent toujours à elle. Celles de la très sainte Vierge et des Saints sont autant de moyens qui nous conduisent à la glorification du Seigneur unique en essence et triple en personnes… On comprend dès lors comment il se fait que l'Eglise ait tardé si longtemps d'instituer une fête spéciale en l'honneur de la sainte Trinité. La raison ordinaire de l'institution des fêtes manquait ici totalement. Une fête est le monument d'un fait qui s'est accompli dans le temps, et dont il est à propos de perpétuer le souvenir et l'influence : or, de toute éternité, avant toute création, Dieu vit et règne, Père, Fils et Saint-Esprit ».

« Toutefois, la nécessité se fit sentir de l’institution d’une Messe spéciale :il suffisait pour cela d’établir « sur le Cycle (liturgique) un jour particulier où les chrétiens s'uniraient d'une manière en quelque sorte plus directe dans la glorification solennelle du mystère de l'unité et de la trinité dans une même nature divine » (Dom Guéranger, ouvrage cité). La chose ne se fera pas en une seule fois, comme nous allons le voir ».

Alcuin au VIII° siècle


« Le premier à se mettre à cette tâche est Alcuin d’York (Ealhwine en vieil anglais, Albinus en latin). C’était un savant et religieux anglais, et l’un des principaux amis et conseillers de Charlemagne. Il sera Abbé de Saint-Martin de Tours en 796. Il se fixe à Tours en 801 et fait de son abbaye un foyer de la renaissance. Il mourra en 804, à l’âge de 74 ans ».

« Dès le VIII° siècle, le savant moine Alcuin, rempli de l'esprit de la sainte Liturgie, comme ses écrits en font foi. crut le moment venu de rédiger une Messe votive en l'honneur du mystère de la sainte Trinité. Il paraît même y avoir été incité par un désir de l'illustre apôtre de la Germanie, saint Boniface. Cette Messe, simplement votive, n'était toutefois qu'un secours pour la piété privée, et rien n'annonçait que l'institution d'une fête en sortirait un jour. Cependant la dévotion à cette Messe s'étendit peu à peu, et nous la voyons acceptée en Allemagne par le concile de Seligenstadt, en 1022 ». (cf. Dom Guéranger, ibid.) ».

Etienne Evêque de Liège introduit la Messe dans son Diocèse


« A cette époque déjà, une fête proprement dite de la Sainte-Trinité avait été inaugurée dans l'une des églises de la pieuse Belgique, dans celle-là même qu'une autre grâce prédestinait à enrichir le Cycle chrétien d'un de ses signes les plus resplendissants. Etienne, Evêque de Liège, instituait solennellement la fête de la Sainte-Trinité dans son Eglise en 920, et faisait composer un Office complet en l'honneur du mystère. Riquier, successeur d'Etienne sur le siège de Liège, maintint l'œuvre de son prédécesseur ».

l’Ordre Monastique aide à la diffusion de cette Messe


« La Messe de la Sainte Trinité s'étendit peu à peu, et il paraît que l'Ordre monastique lui fut promptement favorable ; car nous voyons, dès les premières années du XIe siècle, Bernon, abbé de Reichnaw, s'occuper de sa propagation. A Cluny, la fête s'établit d'assez bonne-heure dans le cours du même siècle, comme on le voit par l'Ordinaire de cet illustre monastère rédigé en 1091 , où elle se trouve mentionnée comme étant instituée depuis un temps déjà assez long ».

L’attitude et la position de Rome


Sous le pontificat d'Alexandre II, qui siégea de 1061 à 1073, l'Eglise Romaine, qui souvent sanctionna, en les adoptant, les usages des Eglises particulières, fut mise en mesure de porter un jugement sur cette nouvelle institution. Le Pontife, dans une de ses Décrétales, tout en constatant que la fête est déjà répandue en beaucoup de lieux, déclare que l'Eglise Romaine ne l'a pas acceptée. par cette raison que chaque jour l'adorable Trinité est sans cesse invoquée par la répétition de ces paroles : Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto, et dans un grand nombre d'autres formules de louange (De feriis. Cap. Quoniam. Celte décrétale a été attribuée par erreur à Alexandre II).

La Messe de la Sainte Trinité gagne de nombreux Eglises et Ordres religieux


Malgré l’attitude de l’Eglise de Rome, la fête continuait à se répandre, comme l'atteste le Micrologue; et dans la première partie du XII° siècle, le docte abbé Rupert, que l'on peut appeler avec raison l'un des princes de la science liturgique, proclamait déjà la convenance de cette institution, s'exprimant à son sujet comme nous le ferions aujourd'hui, dans ces termes remarquables : « Aussitôt après avoir célébré la solennité de l'avènement du Saint-Esprit, nous chantons la gloire de la sainte Trinité dans l'Office du Dimanche qui suit, et cette disposition est très à propos; car aussitôt après la descente de ce divin Esprit, commencèrent la prédication et la croyance, et, dans le baptême, la foi et la confession du nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (De divinis Officiis, lib. XI, cap. I.)».

En Angleterre, l'établissement de la fête de la Sainte-Trinité eut pour auteur principal le glorieux martyr saint Thomas de Cantorbéry ; ce fut en 1162 qu'il l'institua dans son Eglise, en mémoire de sa consécration épiscopale qui avait eu lieu le premier Dimanche après la Pentecôte. Pour la France, nous trouvons, en 1260, un concile d'Arles présidé par l'archevêque Florentin, qui, dans son sixième canon, inaugure solennellement la fête, en y ajoutant le privilège d'une Octave. Dès 1230, l'Ordre de Cîteaux, répandu dans l'Europe entière, l'avait instituée pour toutes ses maisons ; et Durand de Mende, dans son Rational, donne lieu de conclure que le plus grand nombre des Eglises latines, dans le cours du XIII° siècle, jouissaient déjà de la célébration de cette fête. Parmi ces Eglises, il s'en trouvait quelques-unes qui la plaçaient, non au premier, mais au dernier Dimanche après la Pentecôte, et d'autres qui la célébraient deux fois : d'abord en tète de la série des Dimanches qui suivent la solennité de la Pentecôte, et une seconde fois au Dimanche qui précède immédiatement l'Avent. Tel était en particulier l'usage des Eglises de Narbonne, du Mans et d'Auxerre.

Le Pape Jean XXII étend la Messe de la Sainte Trinité à toutes les Eglises


« On pouvait dès lors prévoir que le Siège Apostolique finirait par sanctionner une institution que la chrétienté aspirait à voir établie partout. Jean XXII, qui occupa la chaire de saint Pierre jusqu'en 1 334, consomma l'œuvre par un décret dans lequel l'Eglise Romaine acceptait la fête de la Sainte-Trinité et l'étendait à toutes les Eglises.

Si l'on cherche maintenant le motif qui a porté l'Eglise, dirigée en tout par l'Esprit-Saint, à assigner ainsi un jour spécial dans l'année pour rendre un hommage solennel à la divine Trinité, lorsque toutes nos adorations, toutes nos actions de grâces, tous nos vœux, en tout temps, montent vers elle, on le trouvera dans la modification qui s'introduisait alors sur le calendrier liturgique. Jusque vers l'an 1000, les fêtes des Saints universellement honorés y étaient très rares. Après cette époque, elles y apparaissent plus nombreuses, et il était à prévoir qu'elles s'y multiplieraient toujours davantage. Un temps devait venir où l'Office du Dimanche, qui est spécialement consacré à la Sainte Trinité, céderait fréquemment la place à celui des Saints que ramène le cours de l'année. Il devenait donc nécessaire, pour légitimer en quelque sorte ce culte des serviteurs au jour consacré à la Souveraine Majesté, qu'une fois du moins dans l'année, le Dimanche offrît l'expression pleine et directe de cette religion profonde que le culte tout entier de la sainte Eglise professe envers le souverain Seigneur, qui a daigné se révéler aux hommes dans son Unité ineffable et dans son éternelle Trinité » (cf. Dom Guéranger, le Temps après la Pentecôte).

(à suivre)