Saint Ferdinand était ce que nous appellerions aujourd’hui un sportif. Habile et élégant cavalier, il
était bon chasseur. Il jouait bien aux dames et aux échecs, comme aux autres jeux de salon.
Il aimait la bonne musique et chantait bien. Tout cet ensemble constitue le délicat équilibre
culturel et humain d’un roi guerrier, ascétique et saint. Les recherches modernes de Higinio Anglés semblent démontrer que la musique jouissait à la cour de
Ferdinand III d’un prestige égal, sinon supérieur, à celui qui était le sien à la cour parisienne de son cousin saint Louis, si réputée. Nous savons que l’un de ses fils, l’infant Don Sanche,
avait une excellente voix, qui avait été travaillée, peut-on supposer, au foyer paternel.
Il était l’ami des troubadours et on lui attribue la composition de quelques Cantigas, en
particulier une à la Sainte Vierge. C’est ce goût pour la poésie, cultivé au foyer, dont héritera son fils Alphonse X le Sage, lequel a témoigné : « Dieu a mis dans le roi Ferdinand
toutes ces vertus, ces grâces et ces bontés ».
Nous savons qu’il joignait à l’élégance de son port une mesure dans sa façon de marcher et de parler, une grande allure à cheval, et une aménité qu'il pratiquait lorsqu'il s’entretenait avec autrui dans ses moments d’épanchement. Les Chroniques nous le représentent donc, humainement, comme un grand seigneur européen. L’art gothique naissant lui doit en Espagne, nous l’avons déjà relevé, ses meilleures cathédrales.
Son fils nous livre incidemment un exemple de cette élégance supérieure, au travers d’un épisode qui fournit un détail psychologique de grande valeur : tandis qu’il se déplaçait un jour avec sa troupe, étant lui-même à cheval alors que ses troupes marchaient sur le chemin, Ferdinand III coupa par les champs pour que la poussière ne dérange pas les fantassins et n’aveugle pas les bêtes. Nous pouvons imaginer avec une certaine joie de l’âme cette scène de la suite royale marchant sur les chemins empoussiérés de Castille et sortant d’un coup à travers champs derrière son roi, suivi de ses fantassins. C’est l’une des plus exquises courtoisies que l’on puisse imaginer d’un roi élégant et charitable (…). Bien des années plus tard, ce même roi, méditant un Jeudi Saint la Passion du Christ, demanda une bassine d’eau et une serviette et il se mit à laver les pieds de douze pauvres, inaugurant ainsi une coutume de la Cour de Castille qui s’est poursuivie jusqu’à notre siècle.
Homme de son temps, il était profondément attaché à l’idéal chevaleresque, lequel est une synthèse
médiévale, profondément européenne, de vertus chrétiennes et de vertus civiles. Trois jours avant son mariage, le 27 novembre 1219, après une nuit de veillée d’armes au monastère de Las Huelgas,
il s'arma lui-même chevalier, ceignant l’épée qui allait lui procurer tant de fatigues et tant de gloire. Dieu seul sait la prière et la méditation qui furent ceux de ce
chevalier novice en cette nuit si mémorable, quand il se préparait à embrasser un genre de profession ou d’état que tant d’hommes modernes superficiels méprisent sans l’avoir compris. Des années
plus tard, il armera également chevaliers de sa main ses propres fils, peut-être lors des campagnes dans le sud. Nous savons en revanche qu’il refusa de le faire pour l’un des nobles les plus
puissants de son royaume, qu’il jugeait indigne d’une telle investiture.
Sportif, homme de cour, musicien, poète, grand seigneur, chevalier. Nous montons peu à peu les degrés de l’échelle des valeurs humaines d’un chrétien médiéval exemplaire.
(à suivre)Traduction Hermas.info ©