Le Retour De La Dictature Du Velours.
Publié le 07 décembre 2007 par Mélina Loupia
"Maman, t'as pas vu la boucle de ma ceinture?
-Non, pas depuis que tu l'as virée de la ceinture pour t'essayer au lasso et d'ailleurs, pourquoi tu la veux la boucle, t'as maigri?
-Non, c'est parce que Jéjé est d'accord pour me prêter ses vieux jeans vu que tu veux pas m'en acheter une paire ou deux.
-Faux, c'est juste celui que tu veux qu'il est hors de question que je t'achète.
-Et Noël alors?
-Et la Xbox?
-Bon donc, me faut ma ceinture.
-Retrouve ta boucle.
-Laisse, je vais m'en fabriquer une avec des bouts de laine.
-C'est ça Germinal.
-En attendant, j'en ai par dessus la tête des pantalons en velours, quand c'est pas ça, c'est les survêts, ça va 5 minutes.
-Non mais dis-donc toi, t'es sensé maîtriser tes hormones pour le moment, tu n'as que 11 ans.
-Oué, bé en attendant, c'est pas toi qui te fais vanner au collège avec mes pantalons en velours du CM2.
-C'était juste l'an dernier et encore je parle en année scolaire. Et le velours, c'est résistant, noble et ça protège du froid.
-Pas de la honte.
-Mamie, quand on était petites avec tatie Flo, elle nous cousait carrément des ensembles en velours.
-C'est pas une raison pour te venger sur moi.
-File tricoter ta ceinture."
Il a raison ce p'tit con.
Immédiatement, l'odeur de la banane blette au fond du sac à goûter en plastique m'est revenue dans les narines.
Je me retrouve dans ce préau immense, avec le grand cercle dessiné en blanc sur le carrelage aux petits carreaux beige moucheté, dont certains étaient noirs.
Je revois les grandes classes assises sur les bancs de gymnastique, le long des casiers à chaussons blancs dans le fond.
Je me revois tenir la main à mes camarades, en rond sur la ligne blanche.
Je revois Madame Fardel nous dire "Sur la ligne blaaaaaaaaaaaaanche! Le Papa Noël va arriver, chuuuuuuuuuut, on va l'appeler en chuchotant, Père Noël, Père Noël, Père
Noël..."
Je me revois alors faire comme mes compagnons de mains.
"PERE NOËL PERE NOËL PERE NOËL!"
Et je me revois pas plus tard qu'à pas très longtemps de cette nuit, en train de feuilleter un des albums photos, calée dans le vieux club en cuir râpé, exilé depuis dans le bureau de papa, au
1er.
Et je me revois, à 4, 5 puis 6 ans en photo, sur les genoux du Père Noël que j'avais hurlé de venir me porter le joujou, la poupée de chiffon, le kit dinette ou le coffret de perles à
colliers.
Et je me revois, le sourire de Miss France, dans mon ensemble en velours
marron foncé, côtelé.
Le petit gilet sans manches, avec les deux poches à rabats, vraies les poches.
Le pantalon assorti, avec les grosses genouillères en cuir noir, surfilées de coton résistant taupe.
Les chevilles à l'aise dans les pattes d'éléphant.
Et surtout, surtout, le sous-pull bleu turquoise à col roulé, celui qu'on se marrait avec ma sœur, le soir, dans le noir de la chambre, d'enlever à fond la caisse pour faire des étincelles
d'électricité statique, avec les petits clics-clics.
Ma mère, dont j'ai depuis bousillé les 2 machines à coudre, était à l'époque une couturière domestique d'élite.
Nécessité oblige, elle allait sur le marché acheter des lés de tissus, des chutes ou des rouleaux, selon les époques et le régime des vaches.
Et on l'entendait souvent jusqu'à au moins 9h du soir, nous bercer du ronron de la machine, actionné par la pédale tantôt douce pour les biais, tantôt dure pour les ourlets.
Au petit matin, la surprise sur le dossier de la chaise ou le bord du lit.
Une chemise de nuit, une robe en flanelle, une chasuble ou un ensemble en velours.
Quand elle avait des chutes, c'était nos poupées qu'elle s'amusait à habiller de pied en cap.
Mais je revois clairement cette machine à coudre, sur la table de la salle à manger, avec les chutes minuscules, témoin d'un calcul de patron parfait, les petits bouts de fils éparpillés au sol,
la paire de ciseaux encore ouverte et les canettes rondes vides de leur coton noir.
J'aimais voir maman déhousser le soir, la machine à faire des habits.
Et j'aimais le soin qu'elle prenait à protéger l'engin, après une soirée de confection, puis le ranger au fond de l'armoire.
Je pense avoir été le sponsor vivant du velours.
Alors peut-être, aujourd'hui, je subis en pleine face l'abus dont j'ai été la victime consentante.
Il a raison ce p'tit con.
Alors il va l'avoir son jeans aux coutures en or.
Mais c'est maman qui va le lui payer.
Ps: Quant à toi, Cubik, coupable d'un méchant retour douloureux dans mon enfance, tu as réveillé un souvenir finalement pas si refoulé que ça, alors...
Merci. Ah oui, pendant que je te tiens, pour Shamrock, c'est mort, on se fera pas les 18 trous qu'on avait planifiés, tout comme péter dans les draps, comme on
avait dit. Alors pour le Blue
Bayou, c'est mal engagé. Je mangerai pas de la viande en 2008.
Pps: Quant à toi aussi, Francis, vaste plagiste es bob, tu as commis l'erreur fatale de te coiffer d'un bob en velours, alors sache que j'en ai un pour l'été, celui que tu connais, mais aussi un
pour quand ça caille, et il est pas en velours, mais en pure laine vierge (j’ai vérifié, la brebis, elle avait encore son hymen quand je l'ai tondue à sec). Alors tu peux toujours
faire ton crâneur chez Mry, comme moi, mais tu vas perdre. Peut-être tu pourrais songer,
avec le velours, à faire fabriquer des bobs en série, par de petits clandestins chinois que t'auras récupérés sur les bancs de l'amphi, le soir, tard, dans la cave de l'appart que tu sous-loues
honteusement. Là, tu pourrais gagner.
Sinon, des bizettes à la sulfteuse.