"Cantiga" n° 36 d'Alphonse X le Sage
Son règne est celui d’un conquérant, d’un chef intrépide, constant et habile dans l’art de la guerre. Sous ce rapport, seul peut lui être comparé son beau-père Jaime le Conquérant. Les sièges des grandes places fortes étaient préparés par
Telle est sa physionomie historique la plus connue. Son action de gouvernant l’est moins, que l’histoire reconstruit peu à peu : ses relations avec le Saint Siège, les prélats, les nobles, les municipalités, les universités récemment fondées ; son administration de la justice, sa sévère répression des hérésies, ses relations exemplaires avec les autres rois d’Espagne, sa gestion économique, la colonisation et l’organisation des cités conquises, la poursuite de la codification et de la réforme du droit espagnol, sa protection des arts. Telle est la deuxième dimension d’un règne véritablement exemplaire, qui ne peut être comparé en cela qu’à celui d’Isabelle la Catholique, quoiqu’en moins connu.
Mais il en existe une troisième, digne d'admiration, qu’un illustre historien moderne a commencé à révéler. Il s’agit de la prudence et de la noblesse dont il fit preuve à l’égard de ses adversaires, les rois musulmans. « Saint Ferdinand – écrit Ballesteros Beretta dans une brève étude monographique – pratique dès le début une politique de loyauté ». Son œuvre est l’accomplissement d’une politique sagement dirigée par une façon de procéder soigneusement méditée et par une loyauté sans pareille. Le Père Retana le souligne aussi dans sa biographie très précise.
Au terme de sa croisade, atteint d’une maladie mortelle, il se désignait lui-même dans les coutumes de Séville comme le Chevalier du Christ, le Serviteur de Sainte Marie, le Lieutenant de saint Jacques. Ces titres étaient contenus dans des expressions d’adoration et de gratitude adressées à Dieu, pour l’édification de son peuple. Les Papes Grégoire IX et Innocent IV l’avaient déjà qualifié « d’athlète du Christ » et de « Champion invaincu de Jésus-Christ ». Ils faisaient allusion à ses éclatantes victoires guerrières comme croisé de la Chrétienté et à l’esprit qui l’animait.
C
Il semble être entré dans l’histoire, en effet, pour stimuler l’esprit collectif des espagnols aux moments de dépressions spirituelles.
Nous le savons austère, pénitent. Mais, à bien y réfléchir, y a-t-il austérité comparable au fait de donner sa vie résolument au service de l’Eglise et de son peuple pour l’amour de Dieu ?
Alors qu’il portait le deuil de son épouse, Béatrice, à Benavente, il apprit pendant son repas qu’un audacieux assaut nocturne avait été mené par une poignée de ses chevaliers à Ajarquía, dans la banlieue de Cordoue. Il se leva aussitôt, ordonna que l’on selle son cheval et se mit en route, avec l’espoir – qui se réalisa – que ses chevaliers et ses troupes le suivraient en le voyant ainsi s’élancer. Il s’enflamma, dit la Chronique latine : « Irruit (…) Domini Spiritus in rege ». Les siens voyaient que toutes ses décisions étaient animées par une charité sainte. Il semble qu’il n’ait pas quitté son camp, ni pour assister au mariage de son fils héritier, ni lorsque lui fut appris le décès de sa mère.
La “diligence” signifie littéralement l’amour ; la “négligence” le désamour. Celui qui n’est pas diligent n’est pas charitable en ses œuvres, en d’autres termes, il n’aime pas en vérité. La diligence, en définitive, est la charité opérante. Tel est peut-être l’exemple moral le plus élevé de saint Ferdinand. C’est pourquoi aucune des louanges que rapporte son fils Alphonse X le Sage n'est dans le fond aussi éloquente que celle-ci : « Il ne connut ni le vice ni le repos ».
Cette diligence était animée par l’esprit de prière. Malade, à Tolède, il veillait dans la nuit pour implorer l’aide de Dieu sur son peuple. « Si je ne veille pas – répliquait-il à ceux qui voulaient lui imposer le repos – comment vous autres pourrez-vous dormir tranquilles ? ». Sa piété, comme celle de tous les saints, s’adressait spécialement au très Saint-Sacrement et à la Vierge Marie.
A l’exemple des chevaliers de son temps, qui portaient sur eux une image de leur dame, saint Ferdinand portait, insérée dans un anneau à l'arçon de son cheval, une représentation en ivoire de sainte Marie, la vénérable “Vierge des Batailles” qui est conservée à Séville. Lors de ses campagnes, il récitait le petit office de la sainte Vierge (2), ancêtre médiéval du saint Rosaire. Au cours du siège de Séville, il éleva une chapelle fixe en l’honneur de la patronne de son armée dans le campement ; c’est la “Vierge des Rois”, mise en honneur aujourd’hui dans une splendide chapelle de la cathédrale de Séville. Renonçant à entrer en vainqueur dans la capitale d’Andalousie, il laissa à cette image l’honneur de présider le cortège triomphal. C’est à Fernand III que l’Andalousie doit sa dévotion mariale. (…).
Saint Ferdinand a refusé qu'on le représentât après sa mort sous la forme d'un gisant. Cependant, on grava sur son sépulcre cette épitaphe impressionnante en latin, en castillan, en arabe et en hébreu :
Que saint Ferdinand soit un perpétuel modèle de gouvernant et intercède pour que le nom de Jésus-Christ soit toujours sanctifié comme il convient en Espagne.
Fin du texte cité de José M. Sánchez de Muniáin
En ces temps d'épreuve pour ce pays que vous avez conquis au Christ à sa sainte Mère,
Saint Ferdinand, priez pour l'Espagne !
Traduction Hermas.info ©
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(1) "Benimerines" est le nom hispanisé donné aux Banu Marin, membres de la dynastie berbère la plus importante issue de la destruction de l'empire almohade.
(2) On peut lire ces intéressantes précisions, sur le site qui lui est consacré [ICI] :
"La prière adressée à la Sainte Vierge sous une forme liturgique remonte à une haute antiquité tant en Orient qu'en Occident. On trouve dans l'Eglise grecque des Heures de la Très Sainte Vierge composées par S. Jean Damascène au VIIIème siècle. Les premières traces d'une dévotion semblable se rencontrent dans l'Eglise latine au siècle suivant, car Pierre Diacre, moine du Mont-Cassin, dit dans son commentaire sur la Règle de S. Benoît : « Que les moines réciteront l'office prescrit par la règle en y ajoutant l'office de la Sainte Vierge » et cela d'après une ordonnance du pape Zacharie. Il faut remarquer que cet office de surérogation n'est pas signalé comme une dévotion nouvelle mais comme une pratique déjà en usage dans l'Eglise.
Cette pieuse coutume étant tombée en désuétude, S. Pierre Damien la rétablit au XIème siècle dans les monastères dont il entreprit la réforme.
Lors de la prédication de la première croisade au Concile de Clermont (1095), le pape Urbain II ordonna, pour obtenir la protection de la Sainte Vierge sur cette expédition, que tous ceux qui étaient tenus à l'office canonial y ajouteraient l'office de Notre-Dame.
Au XVIème siècle, S. Pie V en dispensa les prêtres séculiers absorbés par les soins du ministère ; enfin la dernière réforme du Bréviaire en a relevé les religieux tenus à la récitation de l'office au choeur.
Mais, si l'obligation ne subsiste plus, l'Eglise encourage vivement ses enfants à la pratique de cette dévotion. Plusieurs ordres monastiques, par suite de constitutions particulières, l'ajoutent au grand office. Beaucoup de congrégations de femmes, vouées aux oeuvres de miséricorde, l'ont adopté en place de l'office canonial, enfin un grand nombre de pieux laïques, suivant en cela l'exemple des saints, ne manquent pas de payer chaque jour ce tribut de louanges à la Très Sainte Vierge".