(8) Le papyrus démasqué

Il lui apprit que la bandelette et le papyrus dataient approximativement de la même époque, entre 50 avant J.‑C. et 100, une datation plus précise nécessitant un appareillage auquel il n'avait pas accès sans autorisation de sa hiérarchie, ce qui, elle l'avait bien compris, n'était pas envisageable.

- Vous comprenez pourquoi je n'osais pas me réjouir trop tôt ? s'exclama-t-il, les mains tremblantes d'excitation. Le papyrus est authentique ! C'est incroyable, non ? c'est comme un signe du ciel, un rêve d'enfant qui se réalise ! J'ai encore du mal à y croire...

- Vous avez pu le dérouler ?

Il se leva et alluma son ordinateur. Il prit une chaise dans la cuisine, qu'il épousseta d'un revers de la manche, et l'installa à côté de son large fauteuil en cuir pour que Marie y prît place. Après d'obscures manipulations informatiques, du moins c'est ce que la jeune femme, dont les sourcils réticents s'étaient instantanément froncés, en déduisit, une image numérisée apparut, remplissant tout l'écran.

Ses prunelles brillaient comme celles d'un enfant.

- Mais il n'y a rien dessus, bredouilla Marie, dépitée.

- Attendez, ce n'est que le début ! L'image première doit être traitée par paliers successifs afin de récupérer le dessin original, à moins bien sûr, de restaurer entièrement le papyrus. Mais évidemment, c'est un tout autre travail, qui nécessite autant de temps que d'argent, et comme vous étiez pressée, je me suis attaché à la récupération informatique des motifs, des caractères et des images. A présent, ouvrez grands vos yeux !

Lorsqu'il posa un doigt sur l'écran maculé d'empreintes digitales, d'auréoles diaphanes, de traces de yaourt et de café, de projection de vin, de poussière et de cendre

, Marie remarqua une trace blanche à la base de son annulaire. Était-il marié ? A cette idée, les muscles de sa mâchoire se contractèrent involontairement. Un carré, en haut à gauche de l'écran, grandissait lentement.

- Le papyrus va apparaître, regardez bien l'écran. J'ai passé plusieurs heures à réaliser l'image que vous allez découvrir, et le fichier est devenu très volumineux. Dans quelques secondes, il sera affiché en entier.

Petit à petit, l'image reconstruite se superposa à l'originale, révélant une magnifique illustration dans la partie centrale, et de multiples colonnes de texte dans la partie basse. Le papyrus avait retrouvé ses couleurs d'antan, ses hiéroglyphes et ses vignettes. Philippe rayonnait de fierté à mesure que le voile se levait, tandis que Marie, bouche bée, contemplait sur l'image principale un ouvrier qui taillait la roche sous le soleil du désert

.

- C'est incroyable ! souffla-t-elle, émerveillée. Avez-vous déchiffré le texte ?

- Là, vous brûlez les étapes ! répondit-il en riant.

La curiosité de Marie lui plaisait autant qu'elle l'amusait.

- Avez-vous oublié mon sujet de thèse ? Ne voyez-vous pas la magnifique illustration qui orne cette pièce ? sa voix se brisa tant il était ému. Et si je vous disais qu'en plus, il s'agit, comme la plupart des papyrus parvenus jusqu'à nous, d'un papyrus funéraire ?

Marie le regarda bizarrement, mais ne dit rien, tant elle était stupéfaite.

Dans le prochain épisode, vous apprendrez pourquoi les égyptiens étaient si fiers de leur gros ventre!