Pour faire plaisir à un ami lecteur très intéressé par ce lieu à cause de la foire à l'âne et surtout pour y avoir entrevu un séduisant berger. Je ne cite personne, il se reconnaîtra!
En attendant, nous allons abandonner la route au profit du chemin de fer. La description du train telle qu'elle est faîte par Lorenzi de Bradi, est encore très actuelle, d'autant que les autorails récemment mis en fonction sur le réseau sont immobilisés pour une durée indéterminée, victime de pannes répétitives. Voyager en train au travers de notre île relève encore d'une sorte de parcours du combattant.
Le départ de Bastia, en 1928, est semblable à celui que l'on peut vivre en 2010. J'ai effectué le trajet Ajaccio-Bastia en 1980, et je peux vous affirmer que ce périple était dénué de confort.
Bastia : "La gare à l'entrée d'un tunnel. Le train: trois wagons et une locomotive des temps anciens. Je suis seul dans un compartiment. Il y fait chaud." Lorenzi de Bradi
© yves cotrel - Photo l'Internaute - Double pont à proximité de Vivario.
"Tunnels, ravins, gorges, escarpements, où s'accrochent des villages comme un amas de rocs; des vallons, des vallées. Poggio Riventosa, puis Venaco, étagé sur une pente ensoleillée. Le train s'est arrêté. Ce village semble porter les présages du levant. La brise fleure l'arome des cimes qui, dans le lointain, s'entrelacent. Je respire la quiétude de ce lieu limpide. Mais le train repart, souffle, crache, tousse, rend les poumons, se traîne, n'en pouvant plus. Le pont de Vecchio suspendu sur la gorge profonde de Verghello. On monte,on monte de plus en plus péniblement. Vivario. On voit le village, puis on ne le voit plus. On le revoit, il disparaît à nouveau; il joue à cache-cache jusqu'à ce que l'on arrive, toujours durement, à la gare, loin des maisons. On va grimper maintenant jusqu'à la fôret de Vizzavona. Le paysage se déroule lentement. A droite, le regard est tour à tour émerveillé, épouvanté. Je vois encore ces ruines sur ce pic, ces profondeurs tourmentées, ces versants inaccessibles où roulent des torrents, des montagnes désertes aux cimes nues, ces abîmes de la terre volcanique. Ah! comme l'on sent, ici, la puissance et les ravages des volcans. On songe, à voir toutes ces contorsions, à des fleuves de laves, figés par les cyclones de l'ère des cataclysmes. Dans aucun endroit de l'île ni de la terre, les bouleversements des âges ténébreux n'ont laissé des traces aussi formidables. Et le pauvre petit train est là, comme une larve essoufflée, serpentant en montant, ne cessant de monter... Va-t-il reculer, rouler, rouler, puis tanguer dans l'un de ces précipices?"
Lorenzi de Bradi - La Corse Inconnue - Payot -