Magazine Journal intime

Wallonieland, trois ans plus tard

Publié le 07 juin 2010 par Anaïs Valente

Ces derniers temps, j'ai eu l'occasion de voir énormément d'émissions et/ou films sur l'holocauste :

Tout d'abord, La rafle, superbe film relatant la rafle du Vel' d'hiv', dont j'ignorais tout.  Un film dont le nom de la réalisatrice, Roselyne Bosch, ne pouvait être que prédestiné.  Magnifiquement joué, tout en émotions (cela va de soi) et totalement véridique, à l'exception de la scène finale dont je me serais bien passée, car à quoi bon ajouter du mélo fictif à ce qui d'ores et déjà tellement mélo ?  Je me pose encore la question, plusieurs semaines après avoir vu ce film.  A part ça, un film à voir.

Dans la foulée, et dans une pulsion « pleurons un bon coup tant qu'à faire », j'ai re-re-regardé La liste de Schindler.  Toujours aussi beau.  Toujours autant de larmes avec cette petite fille en rouge, seule tache colorée du film. Et toujours autant de larmes à la fin, quand les acteurs accompagnent les véritables survivants dans une marche autour de la tombe de Schindler.

Puis, j'ai opté pour Le garçon au pyjama rayé, mais je me suis contentée des bonus, ayant déjà vu le film (et beaucoup pleuré).

J'ai aussi regardé Plus tard, tu comprendras.  Ni pleuré ni accroché.  A la limite rien pigé.  Mais le hasard a fait que ça parlait encore holocauste.

Ensuite, il y a eu les émissions de télévision :

Sur la rafle du Vel' d'Hiv, bien sûr, liée au film, avec le témoignage du seul enfant survivant de cette folie meurtrière.

Sur la déportation juive en Belgique, et sur la part de responsabilité des autorités belges, avec cet homme qui, 70 ans plus tard, n'a toujours pas osé regarder cette photo de sa femme et de ses trois fils de 6, 5 et 2 ans, tous assassinés dans les camps.

Et puis Apocalypse aussi... ces heures passionnantes d'archives parfois inédites.

En fait, j'ai vu tant d'émissions en quelques semaines, quelques mois, que je ne peux vous en faire la liste (vous m'enverriez le psy pour « obsession génocidaire aggravée »).

Pour terminer cette série triste, j'ai acheté « Le pianiste ».  Un peu pour le piano, un peu pour l'histoire aussi.  Déjà vu au cinéma.  Pas encore regardé en DVD.

Et durant toutes ces séances cinéma/télé, je n'arrêtais pas de me répéter ces questions, en boucle : « Mais comment n'ont-ils pas compris ?  Pourquoi n'ont-ils pas fui ?  Pourquoi, quand on les a privés de leurs jobs, n'ont-ils pas réagi ?  Pourquoi, quand on les a dépouillés de leurs biens, n'ont-ils pas pris la poudre d'escampette ?  Pourquoi, quand on a voulu les ficher, ont-ils été s'inscrire ?  Pourquoi, quand on les a obligés à porter l'étoile, n'ont-ils pas fait leurs bagages ?  Pourquoi, quand on les a convoqués, ne se sont-ils pas cachés ? »

Beaucoup de pourquoi... 

Et la réponse est sans doute que, même si on leur avait dit « méfiez-vous, ne vous montrez-pas, ne vous inscrivez pas sur les listes, ne portez pas l'étoile, fuyez le plus loin possible, ils vont vous déporter vous réduire à néant vous exterminer vous gazer vous faire disparaître », ils n'y auraient pas cru.  La majorité n'y aurait pas cru.  Quasi personne n'y aurait cru.  Comment croire à ça ??????

Il y a trois ans, j'écrivais « Wallonieland », après avoir vu un JT qui relatait, une fois encore, les vexations subies par les Wallons de la part des Flamands.  Et j'écrivais ça à la manière d'un mur, un peu comme celui qu'a connu Berlin.

Trois ans plus tard, au vu de l'actualité sordide de mon pays que j'aime, j'en viens à me demander si mon scénario de 2007 n'était pas finalement l'option la plus positive.  J'en viens à me demander si, un jour, on ne dira pas de moi, Wallonne, comme on l'a dit en 40 des juifs « c'est une Wallonne, un rat, un parasite, une profiteuse, à exterminer au plus vite, elle mène le pays à sa perte, pas de pitié, débarrassons-nous d'elle par quelque moyen que ce soit ».  J'en viens à me dire qu'un mur, c'était trop espérer.  J'en viens à me demander si je ne devrai pas un jour, dans mon propre pays, porter un signe distinctif de mon ignominie : être Wallonne.  J'en viens à réaliser que même si tout cela se produisait, je n'y croirais pas, je continuerais à avoir confiance, à espérer que tout s'arrange, à me dire que tous ne pensent pas cela, que nous sommes d'un même pays, d'une même Europe, d'une même planète terre.

Puis je repense à 1940. 

Vous trouvez la comparaison absurde ? 

Actuellement, elle l'est... sans doute...  

Mais dans quelques années ?  Quelques mois ?

Il y a 70 ans, ce furent les juifs.

Il y a 16 ans, ce fut le Rwanda.

Et j'oublie tous les autres, partout, de tous temps.  Je n'ai jamais été douée en histoire, donc les dates et les détails, j'oublie.  Mais cela a toujours existé, ce désir d'extermination.

Actuellement, où que je surfe sur internet, je ne lis que des propos islamophobes qui donnent parfois froid dans le dos.  La faute au 11 septembre sans doute.

Alors, j'en viens à douter de l'absurdité de ma comparaison, et j'ai peur.  J'en viens à penser que l'absurdité n'est pas si absurde.  Et j'ai encore peur.

Peur que le pire reste à venir.

Peur qu'un jour des gens se demandent, en découvrant l'histoire belge :

« Mais comment n'ont-ils pas compris ?  Pourquoi n'ont-ils pas fui ?  Pourquoi, quand on les a privés de leurs jobs, n'ont-ils pas réagi ?  Pourquoi, quand on les a dépouillés de leurs biens, n'ont-ils pas pris la poudre d'escampette ?  Pourquoi, quand on a voulu les ficher, ont-ils été s'inscrire ?  Pourquoi, quand on les a obligés à porter un signe distinctif, n'ont-ils pas fait leurs bagages ? Pourquoi... »

C'est finalement la question que je me pose actuellement : pourquoi ça dans mon pays ?



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