Il faut lier
et enchaîner, comme un tyran cruel, un cœur colère et emporté; mais c'est avec
les chaînes d'une douceur et d'une patience constantes; il faut encore le
frapper avec les verges de la clémence, et le faire conduire par la charité
devant le tribunal de la raison souveraine de Dieu, pour répondre aux questions
qu'on pourra lui faire. Dis-nous donc, folle et impudente passion de la colère,
dis-nous le nom de ton père, de la mère qui t'a malheureusement donné le jour,
et des enfants corrompus qui sont nés de toi ? Dis-nous qui sont ceux qui, par
la guerre qu'ils te font, peuvent t'exterminer et te faire disparaître ? À
toutes ces questions quelles réponses va nous donner la colère ? Il me semble
l'entendre nous répondre : «Plusieurs causes ont concouru à me donner
l'existence : je n'ai pas seulement un père, mais j'en ai plusieurs, et le
premier qui concourt à me donner l'existence, c'est l'orgueil. J'ai aussi
plusieurs mères parmi lesquelles vous devez remarquer la vaine gloire,
l'avarice, l'intempérance, la luxure. Mes filles sont la pensée des injures, la
haine, les querelles et les inimitiés; et les ennemis qui me tiennent
enchaînée, comme vous le voyez, sont les vertus opposées à mes filles; ce sont
encore la patience et la modération; mais la vertu qui ne cesse de me tendre
des pièges et qui me fait le plus de mal, c'est l'humilité.» Vous apprendrez
dans le temps de qui cette vertu tire son origine. C'est dans ce huitième degré
que se trouve la couronne de la douceur. Celui qui, par la complexion de sa
nature, est d'un tempérament doux et tranquille, pourrait peut-être bien ne pas
la mériter. Mais il la mérite, cette belle couronne, celui qui, par ses efforts
laborieux, a remporté la victoire sur la colère, en passant successivement par
les sept premiers degrés.
saint Jean
Climaque : L'Échelle sainte
«De la douceur, qui
triomphe de la colère.» (RU)