Jusqu’à présent, la Chine renvoyait une image lisse et impeccable de sa population tirée à quatre épingles et arborant en toutes circonstances un sourire immuable. Cette époque est en passe d’être révolue. Les derniers incidents dramatiques qui ont secoué le pays ont révélé les gigantesques failles de cette société bâillonnée depuis plusieurs décennies.
Depuis plusieurs semaines, des citoyens lamba chinois choisissent les écoles comme théâtre de leurs tueries. Le dernier en date a fait huit morts, dont sept enfants. C’est le cinquième épisode d’une saga sanglante qui se perpétue depuis deux mois. Décrits comme des « appels au secours », les analyses de ces crimes avaient souligné le désespoir des assassins, qui ne pouvaient plus faire face aux inégalités qui frappent le pays. Confronté à l’indifférence des hautes institutions, ils auraient tiré dans la masse dans un geste insensé comme pour faire écho à leurs situations qui ne trouvent pas d’issues.
J’ai eu la chance de travailler pendant six mois en Chine et rien ne m’a plus frappé que la capacité populaire à se taire. Les Chinois manient la feinte de sujets délicats d’une main de maître. Chanceuse, la relation de confiance que j’avais pu créer avec certains les engageait à verbaliser leurs inquiétudes devant moi – fait rare :
« Nous ne parlons pas de cela ici ».
La répression est présente à tous les échelles de la société, qu’il s’agisse d’un léger écart à la pensée communiste ou d’une véritable rébellion armée. Tout doit être sous contrôle, sous l’oeil bienveillant du grand Big Brother qu’est le Parti avec un P majuscule. Cette censure permanente a façonné la génération post-juin 1989 et a rendu une majorité de Chinois muets sur leurs opinions politiques, leurs opinions tout court et pire, leurs états- d’âme.
La semaine dernière, une vague de suicides touchaient plusieurs usines du pays. L’espace d’un instant, cette nouvelle nous a quelque peu rapproché du peuple Chinois comme si, connaissant le même fléau en France, nous étions désormais unis par le même mal-être au travail. Et puis, le couperet retombait, en annonçant la mesure drastique, à la limite du ridicule qu’imposait le Parti : les salariés de Chine devaient s’engager par écrit à ne pas mettre fin à leurs jours.
Chaque fois que le gouvernement chinois a été fort, la pseudo-unité du pays a rayonné à l’international. Chaque fois qu’il a accordé plus de liberté à son peuple, les divergences se sont rapidement fait entendre (Lhassa, Ouïgours etc…).
Le « pétage de plombs » de la Chine n’est que la traduction logique d’un trop plein de censure, sous le joug d’un gouvernement trop répressif. L’effet cocotte minute sans le bon gigot qui marine à l’intérieur. Depuis les Jeux Olympiques, où Pékin était sous les spotlights du monde entier, le pays a tenté de jeter de la poudre aux yeux des nations étrangères, en tentant de faire croire à une transparence sans condition. La censure des journalistes quelques jours avant le lancement des JO avaient évaporé toutes ces tentatives.
Un jour viendra où le peuple se lèvera contre le gouvernement et refusera les limites imposées à ses libertés. D’ici là, nous ne pouvons que redouter les prochains événements qui mèneront à une démocratie totale dans le pays, car un tel but politique ne semble malheureusement pouvoir être atteint que dans la violence.
Crédit photo : Stive-Yann @Flickr