Magazine Journal intime

Art des avidasi

Publié le 10 juin 2010 par Alainlecomte

Entre deux conférences de Chomsky, l’autre dimanche : escapade au musée du Quai Branly pour y voir une exposition très originale , celle consacrée aux « autres » maîtres de l’Inde. Qui peuvent bien être ces « autres », qui supposent bien sûr qu’il existe des non-autres ? Ces non-autres et qui pourtant pour nous sont encore bien autres, ce sont tous les maîtres de l’art officiel et principalement religieux de l’Inde classique. On rêve ici des magnifiques sculptures des temples anciens de Bellur, de Kornak ou de Somnathpur, ou bien des miniatures cachemiri. Ou bien ce sont les maîtres contemporains de l’art indien, comme cette Nalini Malani entr’aperçue dans une galerie de Dublin.

Les « autres », ce sont ceux qui avaient pour vocation de passer inaperçus parce qu’ils se confondaient avec le terreau du peuple, ou plus précisément des milliers de peuples dits « tribaux » qui forment la partie la plus mystérieuse de l’Inde, la plus ancrée aussi dans un âge lointain. « Avidasi » les appelle-t-on. Ils sortent du système des castes, des religions officielles, ils n’adorent pas forcément Vishnu, ni Ganapati. Certains habitent au fond des forêts, ce qui ne les empêche pas de cultiver le café, le poivre ou les gousses de vanillier. Ils ont des villages avec des cimetières bariolés. Les ethnologues les étudient car ils sont les « peuples premiers ». Pris pour des « sauvages » par l’administration coloniale (une salle expose des photographies anciennes qui mettent en valeur les traits supposés appartenir à ces peuples, de la prétendue « innocence «  à la lascivité des courtisanes indigènes), ils s’affirment dans l’Inde d’aujourd’hui comme citoyens à part entière (qui peuvent parfois s’enrôler dans des mouvements radicaux). Cet art vient donc d’un artisanat ancré dans les coutumes et l’univers mythique d’une population restreinte, mais ce n’est pas pour autant que ses auteurs restent anonymes. Certains deviennent d’authentiques professionnels et s’auréolent d’une renommée qui dépasse leur peuple. Ainsi de ces artistes que sont Jivya Soma Mashe (de la tribu warli), Jangarn Singh Shyam (de la tribu Pardhan Gond) ou Kalam Patua (des « patua » de Kalighat).

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L’artiste Mohanlal, de Molela, au sud du Rajasthan, a ainsi créé spécialement pour l’exposition cette œuvre en assemblage de tuiles de terre cuite sur le modèle des poteries qui ornaient autrefois les sanctuaires de la région, avant que sous l’impulsion de son frère Khermraj, elles deviennent œuvres profanes.

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Ces figures équestres en « terracotta » honorent le dieu Ayyanar qui protège des villages du Tamil Nadu.

Jyvya Soma Mashe aujourd’hui âgé de 75 ans, de la tribu warli, près de Bombay, peignait au départ des œuvres rituelles pour les mariages. Il eut l’idée de les dé-ritualiser et d’en faire des tableaux qui racontent sa vie (ce sont des œuvres de gouache, d’ocre et de bouse de vache).

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Jangarh Singh Shyam, de Bophal, a connu la gloire avant de se suicider au cours d’une exposition de ses œuvres au Japon, ne supportant visiblement pas la marchandisation de ses toiles.

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Quant à Madhu Chitrakar, du Bengale de l’Ouest, il a tout simplement
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voulu adapté son art aux grands évènements de l’actualité… 11 septembre et tsunami !

Un conseil : demain (vendredi 11 juin, c’est gratuit!)


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