J’ouvrais les yeux, comme pour rejouer la scène, espérant m’endormir doucement mais au contraire, comme une contre-réaction, je sentais mon cœur bruyant battre, mécanique, mes poumons se gorger d’air, le sang couler dans mes veines, j’en étais effrayée…
J’ouvrais les yeux encore, têtue, déterminée à ce que le normal revienne, mais la mécanique étroite de mon corps primait, insupportable. C’était comme si mon âme poussait très fort pour s’extirper de ce carcan mais en même temps, luttait pour l’exact contraire par crainte de se perdre.
Et je sentais en moi une force immense faire tout son possible pour quitter mes os.
Désagréable sensation…. Cette mécanique oui me dégoûte parfois par les limites de ses fonctions, fonctions vitales, basse besogne, besogne humaine, mais c’est à cela que nous servons. Il ne m’appartient pas de trancher sur l’utilité de la faire vivre l’espace de mon temps. Je ne suis pas prête car il me semble que j’ai tant à faire encore. Devrais-je ne pas résister, donner l’impulsion finale et accéder triomphante à cet après mystérieux, secret vaincu ?
Je cligne des yeux, change de position mais c’est pire encore car j’entends mon cœur battre intensément. Il refuse de se taire, il ne cédera pas. Dans cette bataille alors que faire ? choisir d’être terre à terre, belle idée quand il s’agit de rester sur terre … Je force mes pensées vers des lieux qui je sais vont me garder ici bas : ce que je veux, très fort, ce qui m’attire, intensément. Alors je redeviens calme, mon âme renonce à ses efforts de voyage à tout prix. Moins violente, elle se tourne vers le rêve, le rêve éveillé pour commencer, amer car force, mais rêve en devenir qui me transportera à sa simple façon. La mécanique se fait silencieuse, elle s’abstrait pour sauvegarder les jours de vie à venir, cohabitant désormais plus pacifiquement avec la fugueuse domptée pour le moment et je m’endors.
Au matin de tout ça il ne reste rien, que quelques courbatures comme après une bataille, mais nous sommes là, réunis, amis, ensemble. La mort n’a pas vaincu mais j’ai le sentiment qu’elle n’est pas aussi redoutable que l’on croit. L’inconnu nous effraie mais après tout, que savons nous au juste de notre grand mystère ?
Martha