Dans le miroir de poche, là, le reflet d’un œil de Zoé : les cils ourlés, la forme en amande et l’iris bleu nuit. Maintenant, poser le mascara, à l’endroit et à l’envers, c’est mieux : ça agrandit les yeux. Et puis, se mouiller les lèvres, en tracer le contour au crayon et colorer sa bouche rouge sang.
« Oui, je suis une jeune fille fraîche, affamée et carnivore. Je pose mes peintures de guerre et je gagnerai le combat. Car, ça sera moi l’élue du casting, tralalalère… »
En face de Zoé, deux prunelles la fixent. Œil pour œil, dent pour dent, hallucination. Son visage est désormais coupé en deux. A droite, Zoé distingue bien son image, son air mutin, son nez en trompette et sa mâchoire conquérante, mais que viennent faire à gauche ces hautes pommettes, ces traits fatigués et cette peau cireuse ?
Le pire, c’est qu’elle reconnaît vaguement cette partie aussi monstrueuse et vieille soit-elle. Zoé frissonne. « Suis-je en train de me voir déjà dans cinquante ans ? Sans appât, sans âge, sans sexe ? »
Mais, non, effet d’optique ! Ce n’est que le visage de son vis-à-vis venu se mêler au sien. Clac, Zoé rabat sa glace et se retrouve nez à nez avec son faux reflet. Comment a-t-elle pu se confondre avec ce détritus vivant, au regard aussi entêtant qu’un parfum qui aurait tourné ?
- Excusez-moi, mais vous voulez ma photo ou quoi ?