Reliques
Publié le 10 décembre 2007 par Ali DevineVous trouverez l'original de cette photo mortuaire ici.
Aujourd'hui, au cours d'une conversation de cantine, je me suis souvenu de l'anecdote suivante.
Dans l'école primaire où j'ai appris à lire (cette école s'appelait naturellement Jules-Ferry), on trouvait, dans un placard de la classe de CM2, un objet singulier. C'était un squelette humain désarticulé qui reposait dans plusieurs caisses poussiéreuses. L'institutrice, Mme Warshawski, utilisait cet objet avec parcimonie dans ses leçons sur le corps humain.
J'aimais beaucoup Mme Warshawski, une vieille Polonaise à l'aspect chevalin et aux méthodes pédagogiques antédiluviennes. Un jour, elle a fait un malaise devant nous -elle était en fin de carrière- et j'étais persuadé qu'elle allait mourir sur scène, comme Molière, qu'elle nous avait fait découvrir. Nous, ses élèves, nous étions rassemblés dans le gymnase et nous attendions avec anxiété la nouvelle fatale -enfin moi, j'attendais avec anxiété, les autres faisaient les singes sur la corde à noeuds. Malheureusement pour son mythe, elle survécut.
L'école était très ancienne ; elle avait échappé par miracle aux destructions des deux guerres mondiales. Bien des années après avoir cessé d'être son élève, j'ai demandé à mon ancienne institutrice, lors d'une visite de courtoisie, quelle était l'origine des ossements qu'elle nous montrait parfois. Elle me raconta en peu de mots l'histoire suivante. Au début du XXe siècle cette école, comme beaucoup d'autres, était dirigée par un laïcard militant. Vint la Grande guerre. Le directeur était trop vieux pour la faire. Mais son fils partit au front, et y laissa sa peau. On rendit le cadavre au père. Celui-ci, ne croyant pas en l'immortalité de l'âme, prit le parti d'utiliser ces restes dans ses leçons de choses.