La sainte Vierge et la passion
Marie, nous rapporte la Tradition, a été élevée et éduquée au Temple jusqu’à l’âge de 12 ans. Elle y a reçu sa formation humaine, intellectuelle mais surtout religieuse : l’étude des Saintes Ecritures qu’elle devait connaître de manière parfaite. Mariée à Joseph son cousin, devenue Mère du Verbe Incarné, Jésus, c’est elle qui a assuré son éducation. Elle lui a appris à parler, elle lui a appris les prières, elle lui a fait apprendre à écrire et à lire. Et surtout, elle lui a fait connaître le Saintes Ecritures. Avec Joseph et Marie, Jésus récitait les prières hébraïques communes, les psaumes par exemple, et célébrait toutes les fêtes juives. A l’âge de 12 ans, Jésus connaissait déjà parfaitement les Saintes Ecritures, puisque, lors de sa « fugue » de trois jours au Temple de Jérusalem, « ceux qui l’entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et des ses réponses » (Luc, 2, 47) : assis au milieu des docteurs, cet enfant de douze ans les écoutait et les interrogeait (ibid. 2, 46b).
La vie de la Sainte Famille à Nazareth était une vie normale, mais certainement pas banale. On devait y parler des choses concrètes de la vie courante. Mais Marie et Joseph, comme les docteurs dans le Temple, devaient écouter Jésus avec une grande attention. C’est Lui qui avait quelque chose à leur dire, à leur enseigner sur Dieu, sur lui-même également sur sa mission. Marie n’avait certainement pas manqué de lui raconter l’Annonciation, la Visitation, les circonstances de sa naissance, la visite des bergers, la présentation au Temple, le venue des Mages et la fuite en Egypte. Je serais surpris qu’il ne leur ai pas expliqué le sens profond de ces événements, comme il l’a fait plus tard aux disciples d’Emmaüs.
Quand Joseph mourut, Jésus prit sa place et fut le charpentier de Nazareth. Sans vouloir faire « du roman », on peut penser aux conversations prolongées entre Jésus et sa Mère. Lors de la lecture des Saintes Ecritures lors de leur prière quotidienne, il pouvait apporter une lumière spéciale, et préparer sa Mère à son Heure, à ce qu’allait être sa Mission. Marie l’avait déjà entrevue, certainement, avec les paroles du vieillard Siméon. Et si il a interprété dans toutes les Ecritures ce qui le concernait, pour les disciples d’Emmaüs (cf. Luc 24, 27 b), il a dû préparer sa très Sainte Mère à affronter le destin tragique qui l’attendait, sa Mère étant en union avec Lui. Ce qui me fait penser cela, c’est que Marie, à Cana, ne réagit pas à la réponse de Jésus : « Mon Heure n’est pas encore venue ». Elle ne semble pas surprise ; Elle ne lui pose pas de questions ; elle ne lui demande pas d’explications sur le sens de ce mot. Elle sait simplement que son Fils va faire quelque chose, humainement au moins comme il se devait de faire, puisqu’il dit aux serviteurs « faites tout ce qu’il vous dira ». Mais, en son cœur, la mention de l’Heure a dû susciter quelque chose en elle, lui faire penser à une intervention particulière de Jésus qui commence le Ministère Public, pour révéler sa Mission, pour révéler sa gloire, et que ses disciples croient en Lui » (cf. Luc 2, 11c).
Pendant et après les Noces de Cana, Marie a pu faire connaissance des nouveaux amis de son Divin Fils, savoir comment ils s’étaient connus. Jean et André, en particulier, les deux premiers, lui ont raconté en détails comment ils avaient suivi Jésus :deux jours de suite, Jean le Baptiste s’était écrié devant eux : « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde », « Voici l’Agneau de Dieu » (Luc 1, 29b, 36b). Ces paroles qui avaient poussé Jean et André à suivre Jésus, furent pour Marie une révélation : l’Heure, certes n’était pas encore venue, mais elle venait, c’était là une certitude. Et son cœur de Mère de penser à tout ce que Jésus avait pu lui dire en privé le concernant. Mais surtout, cette parole évoqua les texte d’Isaïe parlant du Serviteur Souffrant, l’Agneau innocent conduit à la boucherie, à Jésus son Enfant qui attendait cette Heure d’un grand désir. Et pourtant, ce destin tragique était le sien. Huit siècles auparavant, la Passion de Jésus avait été annoncée et décrite en ces termes par le prophète Isaïe :
Isaïe chapitre 50° :
6. J'ai tendu le dos à ceux qui me frappaient, et les joues à ceux qui m'arrachaient la barbe; je n'ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats.
Isaïe, chapitre 53° :
1. Qui a cru ce que nous entendions dire, et le bras de Yahvé, à qui s'est-il révélé ?
2. Comme un surgeon il a grandi devant lui, comme une racine en terre aride; sans beauté ni éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui nous eût séduits;
3. objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu'un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n'en faisions aucun cas.
4. Or ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié.
5. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison.
6. Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Yahvé a fait retomber sur lui nos fautes à tous.
7. Maltraité, il s'humiliait, il n'ouvrait pas la bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il n'ouvrait pas la bouche.
8. Par contrainte et jugement il a été saisi. Parmi ses contemporains, qui s'est inquiété qu'il ait été retranché de la terre des vivants, qu'il ait été frappé pour le crime de son peuple ?
9. On lui a donné un sépulcre avec les impies et sa tombe est avec le riche, bien qu'il n'ait pas commis de violence et qu'il n'y ait pas eu de tromperie dans sa bouche.
10. Yahvé a voulu l'écraser par la souffrance; s'il offre sa vie en sacrifice expiatoire, il verra une postérité, il prolongera ses jours, et par lui la volonté de Yahvé s'accomplira.
11. A la suite de l'épreuve endurée par son âme, il verra la lumière et sera comblé. Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes en s'accablant lui-même de leurs fautes.
12. C'est pourquoi il aura sa part parmi les multitudes, et avec les puissants il partagera le butin, parce qu'il s'est livré lui-même à la mort et qu'il a été compté parmi les criminels, alors qu'il portait le péché des multitudes et qu'il intercédait pour les criminels.
Et Marie méditait toutes ces choses, les conservant dans son cœur.
Les Saintes Ecritures sont éloquentes et émouvantes, sur ce Sacrifice Rédempteur, qui se réalisera dans tous ses détails et dans toute son horreur. Marie entendra son Divin Fils sur la Croix reprendre les premières paroles du psaume suivant. Et les insultes des grands-prêtres : s’il est le Fils de Dieu, qu’il le libère et qu’il descende de la Croix. Elle entendra, le cœur bouleversé, ces paroles: « J’ai soif ». Et elle assistera, sans rien dire et sans rien faire au partage des vêtements, et de la tunique sans couture qu’elle avait confectionnée pour son Enfant Dieu :
Psaume 22° :
1. Du maître de chant. Sur « la biche de l'aurore » Psaume. De David.
22:2 Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? Loin de me sauver, les paroles que je rugis!
2. 22:3 Mon Dieu, le jour j'appelle et tu ne réponds pas, la nuit, point de silence pour moi.
3. 22:4 Et toi, le Saint, qui habites les louanges d'Israël!
4. 22:5 en toi nos pères avaient confiance, confiance, et tu les délivrais,
5. 22:6 vers toi ils criaient, et ils échappaient, en toi leur confiance, et ils n'avaient pas honte.
6. 22:7 Et moi, ver et non pas homme, risée des gens, mépris du peuple,
7. 22:8 tous ceux qui me voient me bafouent, leur bouche ricane, ils hochent la tête
8. 22:9 «Il s'est remis à Yahvé, qu'il le délivre! qu'il le libère, puisqu'il est son ami!»
9. 22:10 C'est toi qui m'as tiré du ventre, ma confiance près des mamelles de ma mère;
10. 22:11 sur toi je fus jeté au sortir des entrailles; dès le ventre de ma mère, mon Dieu c'est toi.
11. 22:12 Ne sois pas loin : proche est l'angoisse, point de secours!
12. 22:13 Des taureaux nombreux me cernent, de fortes bêtes de Bashân m'encerclent;
13. 22:14 contre moi bâille leur gueule, lions lacérant et rugissant.
14. 22:15 Comme l'eau je m'écoule et tous mes os se disloquent; mon cœur est pareil à la cire, il fond au milieu de mes viscères;
15. 22:16 mon palais est sec comme un tesson, et ma langue collée à ma mâchoire. Tu me couches dans la poussière de la mort.
16. 22:17 Des chiens nombreux me cernent, une bande de vauriens m'entoure; comme pour déchiqueter mes mains et mes pieds.
17. 22:18 Je peux compter tous mes os, les gens me voient, ils me regardent;
18. 22:19 ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement.
19. 22:20 Mais toi, Yahvé, ne sois pas loin, ô ma force, vite à mon aide;
Impressionnant. Bouleversant de réalisme !
Et Marie méditait toutes ces choses, les conservant dans son cœur.
Le prophète Zacharie ajoute encore une autre précision
Zacharie, chapitre 12, 10
10. Ils regarderont vers Celui qu’ils ont transpercé : iles feront sur lui une lamentation comme on pleure un fils premier-né
Cette lance qui perce le côté du Christ, cette épée qui transperce alors l’âme de Marie !
Et Marie méditait toutes ces choses, les conservant dans son cœur.
Jésus n’a rien caché de sa Mission Rédemptrice. ses Apôtres. Et, par trois fois, il leur annonce sa Passion en ces termes. Marie, et les autres femmes qui suivent Jésus entendent, ou bine les Apôtres les leur rapportent, elles aussi ces paroles, qu’elles ne comprennent pas plus que les Apôtres. Seule Marie sait, et comprend que l’Heure est toute proche, et que Jésus y prépare les siens :
Première annonce de la Passion : Luc 9, 23, et textes parallèles : Matthieu 16, 21 ; Marc 8, 31
« Le Fils de l’Homme doit souffrir beaucoup, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, et être mis à mort, et, le troisième jour ressusciter »
Et Marie méditait toutes ces choses, les conservant dans son cœur.
Deuxième annonce de la Passion : Matthieu 12 22-23, et textes parallèles : Marc 9, 30-32 ; Luc 9, 44-45
« Un jour qu’ils se trouvaient réunis en Galilée, Jésus leur dit :’Le Fils de l’Homme doit être livré aux mains des hommes, ils le tueront, et le troisième jour, il ressuscitera’ »
Et Marie méditait toutes ces choses, les conservant dans son cœur.
Troisième annonce de la Passion : Luc 18, 31-33, et textes parallèles : Matthieu 20, 17-19 ; Marc 10, 32-34,
« Puis, prenant avec lui les Douze, il leur dit : ‘Voici que nous montons à Jérusalem et que s’accomplira tout ce qui a été annoncé par les Prophètes, au sujet du fils de l’Homme. Il sera en effet livré aux païens, bafoué, couvert de crachats ; après l’avoir flagellé, ils le mettront à mort (note : Mathieu précise : « mis en croix ») ». Et, le troisième jour, il ressuscitera ».
Et Marie méditait toutes ces choses, les conservant dans son cœur.
On lui rapportera, ou elle entendra elle-même, beaucoup d’autres paroles significatives de son Divin Fils sur sa Passion :
« Comme Moïse éleva le serpent au désert, aussi faut-il que, soit élevé le Fils de l’Homme, afin que tout homme qui croit ait la vie éternelle » (Jean 3, 14-15 : discours à Nicodème).
« Je suis le Pain Vivant descendu du Ciel…Qui mange ma Chair et boit mon Sang a la vie éternelle » (Jean 6, 51.54 : discours sur la Pain de Vie)
« Quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme, alors, vous saurez que JE SUIS » (Jean 8, 27b)
« Je suis le Bon Pasteur. Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10, 11)
« ‘C’est maintenant le jugement de ce monde ;maintenant, le prince de ce monde va être jeté à bas.
Et moi, élevé de terre, j’attirerai tout, à moi’. Il signifiait par là de quelle mort il allait mourir ». (Jean 12, 31-32)
Et Marie méditait toutes ces choses, les conservant dans son cœur.
Mais la Vierge Mère ne cessait de répéter chaque jour, les paroles qu’elle avait dites à l’Ange à l’Annonciation :
« Je suis la Servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » (Luc 1 38).
Marie a ainsi suivi son Divin Fils de sa Naissance jusqu’à sa mise au Tombeau, en acceptant avec joie la volonté de Dieu pour le salut de tous les hommes. Durant toute sa vie, un glaive de douleur a transpercé son âme.
Elle n’est pas simplement Notre-Dame des Sept Douleurs, mais la Vierge des Douleurs car ce glaive de douleur n’a cessé de transpercer son âme tout au long de sa vie, depuis l’Annonciation.