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Un enfant, plus pour longtemps.

Publié le 12 juin 2010 par Masterpitch

Je me souviens d’une prof qui m’avait dit que si l’on voulait comprendre « la tragédie », il fallait commencer par admettre qu’on en connaissait la fin dès le début, et qu’on ne ferait qu’avancer vers elle, comme attiré par un aimant. C’est ce qui est arrivé à ce gamin. En une fraction de seconde sa vie était jouée, comme déjà écoulée.

Je ne sais ce qu’il a vu ce jour là dans le regard de cet homme. Quand leurs yeux se sont croisés, leurs esprits se sont entremêlés comme les deux serpents d’un caducée autour du bâton de Mercure.

Ils en ont fait du chemin ensuite. Un chemin qui est apparu souvent étrange et obscène à la majorité bien pensante. Un chemin que certains n’ont pas compris, que d’autres ont cru comprendre. En réalité ce chemin n’était pas de ce monde. Et il devait les mener vers une fin qu’ils ont vue ce jour là, à leur première rencontre.

Leur première rencontre. Un vieux Chamane agonisant, le jeune homme interloqué, et ce regard complice… Leurs vies, qui défilent derrière leurs yeux. Vie future pour Morrison, passée pour l’indien. Puis le transfert de l’âme instruite et ultrasensible du défunt, dans le corps tout aussi sensible du jeune ingénu.

Ils savaient alors, qu’ils devraient cohabiter. Le vieil homme n’avait plus à vieillir, le jeune garçon avait encore tout à apprendre.

Leur relation fut parfois conflictuelle, bien qu’ils avancent vers un même but. Il y eut des moments de doute, il y eut des erreurs. Mais le vieil indien ne doutait pas, et il sut raisonner l’enfant, 22 ans durant. Jusqu’à l’osmose. Cette osmose qui devait apporter mépris et dégout pour la race humaine.

Enfin l’ancien avait fait comprendre au fougueux Jim que son combat était vain, qu’il ne tirerait rien de l’homme. L’homme, être alors sans conviction, qui se détruisait à petit feu plutôt que d’agir et d’envoyer valdinguer tout ce qui va de travers. Il avait troqué ses idées novatrices, et sa révolution de la pensée pour une liberté factice, aussi fade qu’inactive. L’homme se complaisait dans une triste léthargie.

Jim avait tout essayé. Mais la vérité, les vrais idéaux, ne sont pas de ce monde.

Alors il s’est souvenu de ce jour là, sur l’autoroute.

Et la tragédie a fait son œuvre.

En habit de chamane, avec la barbe et la bedaine d’un Bacchus qui se meurt, Morrison a délivré un dernier message. Un message doux et clair, mais aussi violent et mystique. Message ultime, dans le but d’apaiser ce troupeau bêlant pour lequel ils n’avait plus aucun respect, si ce n’est la pitié qu’on voue aux faibles. Dernier soupir, avant de s’en aller se cacher dans sa grotte française et d’y mourir seul avec son indien, loin de l’hypocrisie libertaire qui gangrénait alors le monde, loin de la connerie des hommes.


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