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Le sens de l'Occident

Publié le 17 juin 2010 par Anthonynaar
Le sens de l'Occident
J’ai cette idée d’article dans la tête depuis quelques mois déjà. Mais il se trouve que, pour X et Y raisons, je ne l’ai jamais écrit. (Rassurez-vous, ce n’est pas le seul.) Or, voilà que mon camarade Rorschach, dit « l’homme qui provoquerait une guerre nucléaire parce que sa mère lui a trop répété que c’est mal de mentir », a écrit un article sur ce qu’était pour lui l’Occident (en gros, la raison socratique, l’héritage judéo-chrétien et le romantisme). Cet article a causé une légère polémique, Rorschach ayant dérapé et tenu des propos « puant » (copyright SOS Racisme). Enfin bref, tout ça pour dire que si ce papier est indépendant de celui de Rorschach, il n’en constitue pas moins un complément.
Qu’est-ce que l’Occident ? Vaste question, qu’on ressort à n’importe quel occidentaliste au premier débat venu. Tout le monde sait très bien ce qu’on entend par Occident : l’Europe, l’Amérique du Nord, et l’Océanie anglo-saxonne (et ce petit bout de sable qui occupe les journalistes et les bien-pensants depuis soixante-ans et que l’on nomme Israël). Mais une fois qu’on a dit ça, on n’a bien évidemment rien dit. Déjà parce que personne n’est d’accord pour dire ce qu’est l’Europe (la Turquie est-elle européenne ? Non, c’est une blague. La question se pose plutôt à propos de la Russie). Ensuite parce qu’on est en France et qu’on adore conceptualiser, donc si l’Occident correspond à la définition donnée plus haut, il faut dire pourquoi et ne pas se contenter d’un bête exposé empirique.
Philippe Nemo, dans Qu'est-ce que l'Occident, s’est attelé à un essai sur ce qu’est l’Occident, le définissant comme « l’Etat de droit, la démocratie, les libertés intellectuelles, la rationalité critique, la science, une économie de liberté fondée sur la propriété privée », tout cela arrivant suite à cinq évènements : l’invention de la liberté sous la loi, de la science et de l’école par les Grecs ; l’invention du droit, de la propriété privée, de la personne et de l’humanisme par Rome ; la mise en place d’un temps linéaire avec la Bible ; la révolution papale des 11ème-13ème siècles qui a réalisée la première synthèse entre les trois points précédents ; le libéralisme politique, économique et scientifique.
Cette définition ne manque pas d’intérêt, mais elle pêche par plusieurs points. D’abord parce que Nemo, grand libéral devant l’éternel (il est considéré comme étant celui qui a importé en France les idées d’Hayek), a une vision trop libérale, au point de raconter parfois n’importe quoi. Pour moi, le dernier point est à supprimer d’office, car il présuppose que la Pologne n’était pas occidentale en 1988 mais qu’elle l’était en 1990, ce qui est évidemment absurde. C’est aussi une manière de dédouaner l’Occident de ses crimes : le nazisme ? Pas occidental, étant donné que ça va à l’encontre du cinquième point. Mais peu importe la façon dont on regarde les choses : l’Allemagne était occidentale en 1932, elle l’était en 1946, et il est tout simplement impossible qu’elle ait cessée de l’être entre les deux. Volksgeit oblige. Le libéralisme au sens noble du terme est la conséquence de l’Occident, pas autre chose.
Ensuite, parce que l’Occident, ce n’est pas qu’une idée. Peu importe son niveau de libéralisme et de développement économique, le Japon ne sera jamais occidental. Pas plus que la Corée, Taïwan ou la Turquie, et ce quel que soit le niveau de laïcité de l’espace public.
(Sur le livre de Nemo, lire la chronique effectuée par l'équipe Scripto.)
Donc l’Occident, c’est quoi ? C’est l’alliance entre Athènes et Rome d’un coté, et Jérusalem de l’autre, sur ce point là tout le monde est d’accord, et je crois Nemo sur parole quand il dit que cette alliance s’est concrétisée avec la révolution papale. C’est l’Europe catholique et protestante et les émanations de l’Angleterre. Mais c’est aussi un esprit. Cet esprit, ce que Rorschach appelle le romantisme, je l’appellerai pour ma part – bien que nous parlions fondamentalement de la même chose – la conquête.
Si l’Occident devait être résumé en un mot, ce serait la conquête. La conquête de l’espace et des ressources bien sûr, mais pas seulement. Aussi la conquête de l’esprit, la conquête du beau, la conquête des arts. C’est la conquête au-delà du raisonnable, au point de friser la folie. Peut-être est-ce de l’ethnocentrisme bête et méchant à faire hurler mes profs de sciences-po, mais pour moi, aucune autre civilisation ne produira jamais de Mozart ou de Michel-Ange. Car eux, comme Léonard de Vinci, Marco Polo, Christophe Colomb, Arthur Rimbaud, et bien d’autres encore, sont l’esprit occidental poussé au bout. Dans un domaine particulier – la musique, la peinture, l’exploration, la poésie, la science, voir même tous pour Vinci – ils se sont donnés au maximum pour repousser les limites du possible de l’humain.
C’est pour ça que les grands pays occidentaux, avant de décliner, ont connu un moment de conquête total et absolu, leur plus grande époque de gloire. L’Espagne qui a conquit l’Amérique du Sud, la Hollande qui a établit un empire commercial mondial, la France qui a tenu l’Europe en son pouvoir, l’Angleterre qui a littéralement conquis le monde, l’Allemagne qui a poussée jusqu’à Stalingrad alors que la Terre entière se liguait contre elle (bon, on ne peut pas vraiment parler de gloire dans ce cas là, mais vous avez saisit ce que je voulais dire), les Etats-Unis qui ont fait triompher leur culture et leur idéologie partout dans le monde. Et je ne parle pas d’Israël qui, de 1948 à 1982, a foutu raclée sur raclée à des dizaines de millions d’arabes. (L’Italie aussi a eu sa période de gloire, sauf que ces cons l’ont fait deux mille ans avant tout le monde, et depuis, ils sont juste nazes.)
Et c’est pour cela que l’Occident ne va plus bien aujourd’hui. Non seulement parce que si on le fait commencer à la Renaissance, les six siècles de domination d’une civilisation sont écoulés. (Ca marche pour l’Empire romain ou les Mayas.) Mais aussi parce qu’après avoir conquis le monde, l’Occident se trouve de fait face à une impossibilité de conquête. Il n'y a plus rien à conquérir. La conquête spatiale aurait pu prendre le relai, mais c’est financièrement ingérable, et de plus, c'est assez limité. Je veux dire, d’après la physique moderne, il nous est en théorie impossible de jamais sortir du Système Solaire, et franchement, coloniser des coins où il est impossible de respirer…
Les derniers des occidentaux, en fait, ce sont ces scientifiques qui font obstinément des plans pour aller sur Mars alors qu’il est plus que probable que ça ne débouchera sur rien de concret avant au moins plusieurs siècles. (Je précise que pour moi, poser le pied sur la Lune n’a débouché sur rien de concret étant donné qu’il n’y a pas au moins une base permanente.) Ce sont ces écrivains de science-fiction, comme Maurice G. Dantec ou Ray Bradbury, qui, tous seuls dans leurs coins, espèrent encore que la conquête spatiale continue.
Mais ces quelques esprits, aussi brillants soient-ils, ne peuvent rien face à la décadence générale d’une civilisation qui butte sur le réel.
Bref.
En relisant cet article, je me rends compte que je commence en critiquant Nemo parce qu’il ne parle que d’une idée, et que je réponds en parlant d’un esprit. Et le terroir ? L’enracinement ? Les langues ? Les paysages ? C’est tout ça aussi. L’Occident, c’est aussi les occidentaux. Qui vivent, construisent, plantent, chantent, créent. L’Occident, c’est les paysages français et les ports britanniques, la Forêt Noire et le Danube. C’est aussi les paysages incroyables d’Amérique du Nord et d’Océanie.
L’Occident, c’est tout ça et bien plus encore.
Mais je crains que ça ne soit plus.

PS : ah, oui, et l'Occident, c'est aussi ça.

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