Il est vrai que nous nous déclarons « without pity » mais je crois que nous pouvons pour une fois en faire preuve.
Vous connaissez surement cela, vous promettez à quelqu’un quelque chose, persuadé que cette soumission lui fera grand plaisir à la vue du laps de temps séparant votre dernière rencontre. Vous acceptés sa proposition, vous vous soumettez à tous ses moindres désirs tant la culpabilité est grande. C’est comme ça que je me suis retrouvé, un samedi soir, devant Sex and the city, deuxième du nom.
Vous avez bien entendu, au Cinéma … pourtant rien ne rapprochait la série du 7e art. De l’art tout court d’ailleurs. Ou de quelconque forme d’art en fait. Voyez-vous, on appelle le cinéma le 7e art car il est un émerveillement des sens, il développe en l’être spectateur une émotion réelle, il fait appel à l’intellect. Alors pouvons-nous nous poser la question de ce que fout un film comme « Sex and the city 2″ dans une salle de cinéma ? Je pense que oui.
Revenons en à ma trépidante escapade, j’entre donc au CGR (je ne préfère pas dire cinéma, là encore ..). Dans un lieu de divertissement absolu, et me préparant à un choc émotionnel fort en faisant quelques efforts pour anticiper la séance, je me jette donc sur le stand « friandise » placée dans l’entrée. Le pop corn reste un moyen utile de développer une sensation d’excitation, même devant la platitude d’un film ennuyeux. Le sucre le contenant provoque une micro-jouissance buccale qui me permet de rester éveillé l’ensemble du film, sur 200 grammes de pop-corn, le nombre de micro jouissances doivent équivaloir avec la durée totale du film car si vous terminez de mastiquer avant la fin de celui-ci. Vous vivez certaines minutes estimées comme les plus longues de votre vie.
La morphine de la séance
Me voilà donc entrant dans le couloir lugubre à la moquette rouge qui me conduit directement vers ma sentence. Le craquement de mes pas écrasant quelques résidus de mais soufflé jonchant l’endroit résonnent à l’infini dans un brouhaha anti-gastronomique. Nous entrons dans la salle. Être le seul être disposant d’un pénis me fait doucement sentir que je suis en terrain hostile. Mais, serrant un peu plus mes 6€ de pop-corn, j’abrège cette exhibition phallique pour trouver une place dans un coin sombre. Mon amie s’installe à mes côtés et renfonce le clou en me rappelant le caractère unique et féminin de la population de la salle. Je cale mes pop-corns entre les deux sièges devant moi (les emplacements prévus pour les friandises n’étant pas adaptés aux produits vendus, normal) et j’essaye de me détendre avant la pénétration.
Et j’attend toujours, car pénétration il n’y a eu. Par ce mot à consonance reproductive, j’entend mise en éveil des sens, perturbation de mes émotions (bande de petits pervers). En effet, il ne se passera rien. Pourtant, l’annonce des 2h30 de film sur le ticket m’avait laissé supposé d’une quelconque intrigue ou scénario. Mais non. C’est donc avec cette « attente désespérée qu’il va se passer quelque chose » que le spectateur va se morfondre. En tout cas pour moi, car j’étais le seul à me morfondre. La salle s’étouffait presque sous les rires tant le spectacle était hilarant, et c’est donc sous une nuée d’œstrogènes que je regardais la réactions aux éléments humoristiques de ma partenaire. Heureusement, mes amis ont été choisi avec précision et goût. Mon amie me regardais elle aussi afin de discerner ma réaction devant telle atrocité. Prise à son propre piège, et sans pop corn, là voici à endurer les 2h30 de navet, cherchant dans la critique et l’observation de mes réactions, un moyen de détourner son attention et de profiter au moins du moment.
Car, j’en viens au fait, c’est un film ridicule. Autant la série avait un quelconque intérêt dans la construction de ses personnages, la trame scénaristique basée sur les articles de Carrie Bradshaw, le personnage principal, addict de mode et ses problèmes récurrents sur l’amour portaient la série au moins pendant les 3 premières saisons. Le premier film avait sa légitimité car il constituait la suite logique de la série. A savoir le moment ô combien recherché du mariage. Le Graal finalement atteint, on pensait en avoir fini avec Sex and the City.
Mais, le précédent à du faire quelques entrées, et c’est plutôt bénéfique de porter une série au grand écran. Vous avez déjà un public (groupies dégénérées), un univers, une trame principale, des personnages, des acteurs, des décors … apparemment, ça n’a pas suffit.
Non, elle n'est pas ridicule, ce sont les gens autour qui le sont, ne l'oubliez pas
Résumons donc un peu : les 4 amies sont donc totalement comblées par leur vies, toutes très riches (maris, notoriété et réussite professionnelle), et ne savent plus quoi foutre. Elles sont toutes mariées sauf la plus libérée, ont de l’argent à ne plus en finir et se préoccupent donc de leur micro-problèmes pourtant si existentiels. Big (le mari de l’héroïne), n’accepte plus le désagréable côté mondain de sa pouf de luxe qui veut claquer ses biftons et voir des paillettes. Il préfère regarder des films sur un écran chez lui dans un canapé à 10 000$. Carrie décide que c’en est trop ! (et se fâche). Ce n’est pas le rêve espéré après le mariage (ohlala). Le couple décide donc de banaliser deux jours pour qu’ils vaquent à leurs occupations afin de mieux se retrouver ensuite ! Pas con ! Et moderne en plus ! Comme le souligne maintes et maintes fois Carrie. Big se tate d’acheter un autre appart dans New York, en plus de leur modeste 300m² mais Carrie, cette bonne âme, juge trop onéreuse l’idée et accepte de lui prêter son appart. Qu’elle a gardé, qu’elle ne loue pas, il ne faut tout de même pas abuser.
"Chéri, je veux être mondaine"
Puis voilà l’élément perturbateur qui vient briser la routine NewYorkaise de ces 4 greluches à talons perchés. Samantha (la non mariée), par ses relations, obtient un voyage (gratuit), à Abu dhabi. C’est à cet instant que l’on sait qu’on vient de payer 6€ pour rien. Le film ne fait ensuite que montrer le luxe et l’argent, le but ultime de toute vie superficielle. L’osmose de la nouvelle riche, vivre dans un paradis financier ou se côtoie misère et pétrole en s’extasiant sur les lustres en cristaux et les chambres à 22 000 $.
Vous pouvez rire, c'est fait pour
Tout va trop bien, on s’attend à un drame. Mais non, tout le monde rentre à New York en première classe et tout est bien qui finit bien. L’évènement qui vient tout perturber au point d’avoir droit aux larmes de Carrie, c’est un bisou échangé avec son ex qu’elle croise « comme par magie » dans la médina reconstituée d’Abu dhabi.
L'élément perturbateur, l'infidèle tromperie
C’est mal filmé, c’est prétentieux, c’est ridicule, le doublage est à chier mais je ne pense pas que la VO ne rattrape un tel ratage. Le réalisateur essaye même de faire de la politique et de l’éthique. On observe un discours très dérangeant voire très malsain sur le voile et la culture musulmane tout le long de leur séjour en « terre promise ».
Le problème d’un film de 2h30 c’est qu’on s’attend à quelque chose, donc on reste, puis le film se termine et on ressort, affligé par tant de connerie. Le ricanement frénétique des groupies suggère qu’elles ont vu l’un des meilleurs film de l’année et l’achèteront en Bluray afin de voir si les pores de peau de Carrie sont bien resserrés.
Quant à moi, je marche vers la sortie, mon sachet de popcorn vide à la main en me demandant si celui à 10€ n’aurait pas été préférable.