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Fin de l’histoire Trame de métro

Publié le 18 juin 2010 par Ctrltab

Fin de l’histoire Trame de métro

George a de nouveau un auditoire et il ne va pas rater l’occasion de faire un dernier tour de piste. Il chuchote presque cette confession pour sentir plus prêt les oreilles des deux femmes se dresser et leur haleine, d’hiver et de printemps, se rapprocher de lui. Et allons-y pour le lyrique, George ne va pas se priver de faire le beau:

- Oui, c’est moi, George Dentré, mais Mademoiselle a raison, et alors ? Cela n’a plus aucune importance aujourd’hui. Je ne suis plus qu’un météore d’une époque disparue, qui se promène parfois dans le métro pour provoquer quelques éclats.

George sait encore ponctuer ses paroles de silences accrocheurs qui retourne le cœur de son public. Il doit tirer double, continuer à séduire la vieille et ne pas dégoûter la jeune.

- Je vais vous avouer quelque chose : peu importe la gloire, les paillettes and co. Ce qui compte, c’est ce qui reste sur la pellicule, le travail tout simplement, l’art !

Oups, George vacille. Merde, il s’est pris les pieds dans son discours, tout ça sent un peu trop la veille France, moraliste et consciencieuse. Un peu plus, et Pétain sort de sa tombe, vite redresser la barre ! Sinon, il va perdre la jeunette d’aujourd’hui.

-  Vous savez, je n’ai été qu’un homme à femmes. Ce sont toujours elles qui m’ont porté, transporté! Oui, je n’ai vécu que pour elles. Pour les aimer, les comprendre, les surprendre, les conquérir…

Bon, c’est peut-être un peu démago, mais ça marche toujours. La dame d’un certain âge à ses côtés soupire, Zoé en face de lui le regarde d’un œil humide et même la petite fille a suspendu son jeu pour regarder le drôle de monsieur qui fait des grimaces et parle si bizarrement.

Maintenant, il faut aller vite, se dérober au sommet. L’admiration ou plutôt la compassion de ses voisines risquent de retomber. Le météore sait que l’instant doit être bref s’il veut être éternel. Il n’a pas perdu son sens du rythme et du spectacle.

- Ah, mais nous sommes arrivés à Bonne Nouvelle ! Désolé, Mesdames, je dois descendre. Ravi de vous avoir connues. Continuez à être aussi magnifiques et généreuses avec les hommes et la vie ! Merci encore ! Je vous salue !

Les genoux de ses voisines hypnotisées s’écartent, leurs regards le suivent, George sort, le métro repart. Les trois passagères du métro restent éberluées sur leur siège, hésitant entre le rire ou le pincement de cœur. Et elles ne voient pas George balloté sur le quai, bousculé par la foule pressée.


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