Le magasin où il fait bon vivre (the come back)

Publié le 19 juin 2010 par Anaïs Valente

Faut croire que je suis maso, mais j'y suis retournée...  dans ce magasin où on n'a pas droit au sourire de la fermière, ni au gilet fuchsia de la vitrine.

J'y suis retournée un peu par hasard.

J'ai la fâcheuse tendance à acheter beaucoup beaucoup (trop) de fringues.  Et parfois (souvent), de ne pas les mettre.

Ainsi, tout à l'heure, me préparant pour un brûlage de shortys, sur le coût de 17 heures (même pas honte, c'est le bonheur d'être célibataire, trainailler devant des DVD, manger, ranger un peu, bosser un peu aussi, écouter de la musique et du piano, tout ça dans un pyjama aussi sexy qu'une bouche de métro, jusqu'à l'heure de la douche), je décide de mettre une tunique mauve achetée y'a... oh ben bien un an je dirais, genre fin de l'été dernier, peut-être même avant, je ne sais plus trop.  Et en l'enfilant, je découvre à quel point elle me sied à merveille. Si, si, je vous jure, pour une fois, je n'ai pas l'air d'un tonneau de bordeaux boulimique.

Et je me souviens que j'ai vu la même tunique, en gris (le gris me va super bien, c'est ma carte de couleurs qui me le dit) pas plus tard que cette semaine, dans un magasin.

Le petit souci c'est que cette semaine, j'ai été victime d'une achetite aiguë, doublée d'une visititedemagasinite chronique.  J'ai donc vu tant de magasins que je ne parviens pas à me souviendre d'où j'ai vu cette merveille grise.

Aaaaaaaaaaaaargh il est l'heure de partir à mon brûlage de strings, suite demain sorry les petits loups, je vous promets, ça sera rigolo (enfin j'espère).

...

(suite et fin) Dimanche 8h48, à peine levée, l'esclave Anaïs vous écrit la suite, fou comme je dois être maso pour faire ça au lieu de déguster croissants et chocolat chaud au lit (toute façon, j'ai ni croissants ni chocolat chaud sous la main, ô vie cruelle).

Donc je réfléchis (oui, parfois, je sais le faire, je peux le faire, je le fais).  Au C&A ?  Que nenni.  Dans ce magasin oùsqu'on vend plein de jolies choses, là, dans le bas de la ville ?  Que nenni.  Chez ce paki où j'ai fait une razzia sur les pantalons en lin ?  Que nenni.  Dans ce magasin de lingerie où j'ai tenté un lifting de loches ?  Que nenni.  A l'Inno ?  Que nenni.

Et l'euro tombe : c'est dans le magasin au gilet fuchsia.  Horreur glauque et putréfaction puante.

Il est 17h25, j'y fonce, j'y cours, j'y vole, passque je me souviens qu'ils y font des réductions.  Jusqu'à aujourd'hui seulement, faut en profiter.  Et passque, quelle que soit l'heure, je sais que j'y serai accueillie comme une princesse à la recherche d'une robe de bal.  Sauf que le magasin ferme à 18 heures, cours ma petite Anaïs, sinon tu te transformeras en crapaud Cendrillon (faut que je révise mes classiques).

J'arrive un quart d'heure avant la fermeture.  Mon gilet fuchsia est toujours en vitrine, je me dis que j'en profiterai pour rappeler qu'il m'intéresse... Il est à 30 % de réduction en plus... mais uniquement jusque 18 heures, nom d'une petite pipe en plâtre.

J'entre, la vendeuse, la même que la première fois, est occupée dans la vitrine.  Pas un bonjour.  Je n'en espérais pas tant.

Je me rue sur ma future tunique grise, puis dans une cabine d'essayage, gentiment libérée par une toute jeune femme en recherche d'une tenue de bal, qui rejoint son amie, tout aussi jeune et tout autant à la recherche d'une tenue de bal.  Merci les gentilles jeunes femmes.

J'essaie, j'adopte, emballé c'est pesé.  Je vais à la caisse.  Et j'attends...

Car notre adorable et souriante vendeuse rôde dans les rayons, téléphone à l'oreille.  Je décide de rôder alors autour d'elle, portefeuille en main, pour lui faire comprendre.  Il est 17h55.  Elle me repère et me précède à la caisse, sans un bonjour, sans un mot, toujours plongée dans une conversation qui n'a rien de professionnel.  Sa voix est haut perchée et j'ai comme la vague (ou plutôt l'énorme) impression de déranger.  Je décide de ne pas prononcer le moindre mot si elle fait de même, moi qui suis pourtant adepte des "merci", "bonjour", "bonne journée", "au revoir" et autres politesses devenues ici totalement inconnues.  Elle converse encore et encore, tout en calculant la réduction à laquelle j'ai droit.  A aucun moment elle ne m'annonce le prix, se contentant, après un temps fou, de me dire, d'une voix aussi agréable que celle de la Reine qui découvre avec effroi que Blanche-Neige est plus belle qu'elle, dixit le miroir, "vous pouvez mettre votre carte". Après un temps fou, car couper une étiquette, faire un calcul sur une machine, en indiquer le résultat sur ladite étiquette et plier mettre en boule une tunique dans un sac, tout cela de la main droite, en tenant un téléphone de la main gauche et en concentrant son neurone sur une conversation visant à déterminer le programme du soir, ça prend du temps. 

N'estimant pas ce "vous pouvez mettre votre carte" comme une conversation normale entre une vendeuse et une cliente, je zappe les politesses, moi aussi, et je glisse ma carte, puis paie.  Et là, un sursaut de normalité chez ladite vendeuse, qui vient de raccrocher (ceci expliquant sans doute cela) et, ayant retrouvé la parole, me tend le sac contenant ma boulette de tunique en me disant "voilà Madame, au revoir".  AU REVOIR.  Elle sait.  Elle a appris.  Elle n'ignorait pas.  Alléluia.  Je retrouve instantanément la parole et la politesse, moi aussi, rassérénée par cet élan soudain de gentillesse extrême (ben si, pour elle, dire au revoir, c'est l'extrême politesse, m'enfin).  Je sors, elle me suit en me disant, d'une voix à nouveau identique à celle de la Reine qui découvre ... (vous connaissez désormais la suite) : "pfffffffff, j'en ai ras-le-bol, je voudrais fermer le magasin".  Et moi, outrée par de tels propos, je regarde ma montre, 17h59, et, malgré mon estomacation (comment dit-on "le fait d'être estomaquée" ????) face à une telle attitude, je la rassure d'un "pile à l'heure, je m'en vais".  Auquel elle ajoute, dans un nouveau soupir "il en reste d'autres...", montrant de la tête les deux jeunes femmes toujours dans leurs robes de bal.  Je lui adresse un dernier sourire et m'en vais acheter une fleur, qui au moins, elle, si elle n'a pas la parole, sentira bon et sera comme un sourire dans ma vie.

J'avais un doute, j'en suis maintenant persuadée : cette vendeuse n'est pas gérante, ce ne peut être possible autrement.  Une gérante chouchoute ses clients, elle les aime, elle les regarde comme des coffres-forts potentiels, comme des fournisseurs de tiroir-caisse plein à craquer.  Une vendeuse attend 18 heures.

Mais moi, au bureau, même si je ne suis qu'employée, au salaire fixe, ne retirant aucun bénéfice de la clientèle, jamais il ne me viendrait à l'idée d'oser tenir de tels propos face aux clients.  Jamais.

Au fait, j'hésitais, mais maintenant je peux le dire, le magasin s'appelle Totem, il est situé à Jambes.  Et le pire, c'est que j'y retournerai, car ils ont de jolies choses.  C'est bien ça le pire...