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Le don de soi.

Publié le 21 juin 2010 par Elb
Le don de soi.Samedi, pour la première fois depuis la fermeture de l'Eros Center de Sainte-Marie-de-Bitume, j'ai passé une partie de mon samedi après-midi dans un hypermarché. 
Ouais, j'aime l'aventure, c'est mon coté bad boy.
En fait, j'y étais surtout pour tenir un stand transplanté dans une galerie marchande,  pour faire la promotion du don d'organe. Une fois que vous avez mis le doigt dans l'engrenage du caritatif, c'est sans fin, vous savez ce que c'est : vous donnez une main, ils vous prennent un bras.
Mais c'est pour la bonne cause.
Pour ne pas faire de jalouses, je vous le dis tout de suite : j'ai tout donné.
Je suis comme ça, le don de soi c'est une de mes charmantes facettes, qui m'a valu de repousser les assauts d'Adriana K.
Contrairement au cochon, tout n'est pas bon dans l'homme. Quoique pour certains cette différence ne soit pas évidente.
Ne pouvant transporter ma tronçonneuse en moto, j'avais tout de même prévu, en-cas où, de prendre le précieux livre de "L'Art de cuisiner les restes". Si pour le coeur, le foie, les poumons et autres cornées il y a pas mal d'amateurs, il reste tout de même plein de choses une fois ces morceaux de choix enlevés. 
D'entrée, les responsables de l'Association du Don d'Organe, Monsieur et Madame PORETTO (ADOT33) m'ont fait comprendre que l'on ne prenait rien aujourd'hui, mais qu'il s'agissait de sensibiliser les badauds, en vue d'une ablation posthume.
A mon avis, il vaudrait mieux les anesthésier, mais bon c'est eux qui décident.
Enfin bref, me voila, tel un capitaine à la proue de son navire, standing in the stand, fendant la foule des chalands venant remplir leurs frigos criant famine.
Tout de suite, on reconnait les pros, ceux qui en connaissent un rayon, en centre commercial. Ils détournent le regard dans un timing impeccable, évitant ainsi de se faire accoster et perdre quelques précieuses minutes avec ce pit stop.
Il y a aussi la famille Caddie Rousselle avec la mère en mode girouette GPS, le père en pilotage automatique muet qui a vraiment l'air de s'emmerder (normal en faisant ses commissions) et les enfants en guise de pare-battage sur le cotés.
D'autres s'arrêtent, et c'est là que j'entre en jeu.
Enfin, pas automatiquement, car j'avoue que certaines étaient tellement moches, d'autres moins laids mais trop gringalets, que je n'ai pas eu le courage de les aborder. Franchement parfois je ne comprends pas pourquoi la burkha est réservée aux femmes.
Peut-être suis-je trop esthète dans ma tête, mais qui pourrait vouloir du foie de ce nabot boutonneux, des poumons de cette bouteille d'Orangina en survet ?
Et bien il semblerait qu'il y ait plein de monde en fait.
Car figurez-vous que le don d'organe est anonyme. Ha, ha ! On fait moins le fine bouche là !
Donc si vous vous retrouvez avec le pif de Depardieu, inutile de vous en prendre à lui, ça se trouve ce n'est pas le sien, même si à vue de nez on peut flairer que oui.
En plus, il s'agit de dons gratuits, ça évite les problèmes de successions, vous n'aurez donc aucun droit sur sa cave.
Une jeune femme s'arrête et m'avoue être terrifiée à l'idée que l'on commence à la découper alors qu'elle n'est pas tout à fait morte.
Il parait que l'on a droit encore à quelques minutes de conscience après une mort clinique...L'espace d'un instant je me suis imaginé que je pourrai très bien tomber entre les mains d'une superbe infirmière nécrophile qui abuse délicieusement de moi durant ces quelques minutes. 
Pour la rassurer, je lui ai assuré que l'on commencera par lui prendre son coeur, puis méthodiquement le reste en terminant par lui aspirer la moelle épinière.
Cela me rappelai les instructions que m'avait donné le chef d'atelier des abattoirs municipaux lors d'un boulot d'été, il y a quelques années. Ce gars était très drôle, et sa seule évocation m'a fait sourire franchement, ce qui n'a pas eu du tout l'air de plaire à mon interlocutrice qui partit sans demander son reste.
Une autre "cliente" s'inquiétait de savoir si le prélèvement d'organe s'effectuait également à l'étranger. En effet devant partir au Laos, si jamais elle poussait jusqu'à l'au-delà, que se passait-il ? Je la rassurais immédiatement. Vu la taille des asiatiques, ils ne sauraient que faire de bras trainant par terre, mais en vue d'une conservation optimum, je lui conseillais néanmoins de choisir une destination plus polaire.
Bref, beaucoup de personnes semblent concernées et intéressées.
En fait tout le monde est intéressé sans le savoir, puisque par défaut nous sommes considérés comme donneur, sauf avis contraire de votre part ou de votre famille.
Si vraiment vous tenez à vous éparpiller après votre mort, faites le savoir autour de vous.
C'est vraiment dingue le monde qu'il peut y avoir dans ces endroits...
Même si j'ai passé un moment très enrichissant, j'avoue que je ne fis pas des pieds et des mains pour rester plus longtemps que prévu, et sans prendre mes jambes à mon cou, je regagnai mes pénates soulagé d'être entier après cette expérience de promiscuité consumériste.

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