Le mois de Juin est ponctué par deux évènements principaux : Roland Garros et le baccalauréat, ce qui est assez vache puisque si les lycées n’atteignent pas 100% de réussite à cet examen, c’est bien à cause dudit tournoi qui empêche les lycéens de se plonger studieusement dans leurs bouquins rébarbatifs.
Si à cela on ajoute une Coupe du Monde, autant dire qu’un bon nombre d’entre eux échouera, à moins qu’il y ait cette année une épreuve portant sur les résultats des matchs.
Avouez qu’ils ont du mérite ces jeunes adultes qui, en lieu et place d’aller butiner de jolies fleurs se retrouvent coincés à la maison avec, pour seul leitmotiv parental :
- - Révise ! T’as révisé ? Pourquoi tu ne révises pas ? T’arrives à réviser avec cette musique ? Tu révises quoi là ? Le nombre de battement d’ailes d’une mouche à la seconde ?
Et de subir la litanie de ces anciens combattants du bac :
- - Moi, de mon temps, je faisais des fiches au fur et à mesure de l’année. Ca ne sert à rien de bachoter au dernier moment ! J’avais un programme de révisions digne d’un vrai business plan, mais vous maintenant les jeunes, vous ne savez pas travailler. Tu crois que tu vas l’avoir où ton bac ? Dans une pochette Surprise ?
Ce genre de remarques, nous en conviendrons aisément, accentue le stress du futur bachelier à la veille d’un évènement qui changera sa vie. En principe…
Sa mère ne se nourrit plus qu’avec des rognures d’ongles, tournant autour de lui telle une lionne défendant ses petits, prête à trucider l’examinateur qui recalera sa progéniture. Car, elle en est persuadée, sa couvée ne peut échouer, il en va de sa fierté maternelle !
Elle le bourre de vitamines, de magnésium, de potassium et se laisserait facilement tenter par le cannabis si on lui certifiait qu’en en inhalant la résine, il en exhalerait le fameux « Reçu avec mention » (tant qu’à faire)!
Elle entre fréquemment dans sa chambre – non sans avoir frappé – pour vérifier que le studieux a la tête penchée sur les cosinus, les « Pensées » de Pascal ou la complexité de la guerre froide, mais le découvre pianotant fébrilement sur son PC…
- - Tiens, ironise-t-elle, les jeux en ligne sont au programme cette année ?
Un rien exaspéré, le surchauffé du cerveau s’explique :
- - Il faut bien que je me détende de temps en temps ! Si tu crois que c’est facile le bac !
- - Je te rappelle mon chéri que moi aussi je l’ai passé…
- - Ouais mais de ton temps, la guerre froide n’existait pas !
C’est sûr qu’à ce stade de culture générale, il vaut mieux que tout le monde se détende…
Mais c’est sans compter sur l’intervention du père qui, déjà mis en pétard – sans jeu de mots aucun – par la contre performance des joueurs français à Roland Garros, fonde de sérieux espoirs sur celle de sa chair :
- - Alors, ces révisions ? Ca avance ?
- - J’suis à fond !
- - Tu en es où ?
- - Je tiens le planning.
- - Ah c’est bien ça de se faire un planning. Et tu en es où de ton planning ?
- - Euh… Ca roule…
Et de couper court aux questions intrusives en s’enfermant dans sa chambre, y prendre une feuille blanche et d’y inscrire en gros : PLANNING.
Et de comprendre mieux que quiconque le syndrome de la page blanche…
Dans ces conditions, comment voulez-vous que ce pauvre enfant pressurisé n’en perde pas ses moyens, ô combien exceptionnels ?
Mais lui, assurément, ne doute pas ! S’il échoue au bac, ce sera bien parce qu’il sera « tombé » sur un examinateur aigri, vicieux, dont le seul but aura été de se venger sournoisement sur sa copie anonyme, sourd à l’interprétation avant-gardiste qu’il aura faite des « Liaisons Dangereuses » de John Malkovich, coécrite par Glenn Close, à moins que ce soit par Sharon Stone et son délectable jeu de jambes…
Avec un peu de chance, il décrochera l’oral…