Un moment de plénitude

Publié le 12 décembre 2007 par Anaïs Valente
Une séance de cinéma en solo.  « Survivre avec les loups », l’histoire incroyable de cette gamine juive qui, en 1942, a traversé l’Europe jusqu’à l’Ukraine pour tenter de retrouver ses parents, déportés « vers l’Est », lui avait-on dit.  Surprenant et émouvant.  A voir !
A la fin du film, sensation étrange, zenitude, plénitude, solitude.
Il est 15h30.
Il pleut. J’ai oublié mon parapluie.  
J’attends le bus.  J’attends.  Mais pas envie d’attendre.
Pas envie de rentrer.  « J’veux pas rentrer chez moi seule », chantait Regrets.
Alors je vais dans un salon de thé dont je vous ai déjà parlé, Villeroy Club.  Je m’offre non pas un tiramisu spéculoos, non pas deux tiramisus spéculoos, non pas trois tiramisus spéculoos… mais une gaufre farcie à l’abricot.  Ben oui quoi, faut bien varier les plaisirs.  Et un Ice tea pêche (je suis dans une période Ice tea pêche en ce moment).
Je monte, et je m’installe dans le coin.  Tout dans le coin.  Un coin discret.
J’ai emporté avec moi un livre.  J’ai toujours un livre avec moi, c’est essentiel.  Celui-là, je l’ai commencé dans mon bain le matin même.  Et j’aime.  Je vous en parlerai bientôt, c’est « La sieste (c’est ce qu’elle fait le mieux) », de Tonie Behar.  Mais je vous en reparlerai tout à l'heure, promis.  
Je dévore ma gaufre.  J’ai faim.  J’ai soif aussi.  
Je regarde ma montre.  Dix minutes ont passé.  Seulement.  Fou comme le temps ne passe pas quand on est seule.
Enfin, presque seule.
Une petite dame âgée, qui ne quitte pas son chapeau bordeaux, squatte une table voisine.  Silencieusement.
Je dévore ensuite mon livre, au point d’en oublier où je suis.  Je suis dans le Sud de la France, je suis amoureuse, je nage, je rêve, je vis, je chante.  Je suis Diana, l’héroïne de La sieste.  Je suis engloutie dans l’histoire.
Zenitude, plénitude, solitude.
Arrivent une maman et sa fillette d’une dizaine d’années.  Dissipée la fillette.  C’est de son âge.  Adieu zenitude.  Adieu plénitude.  Adieu solitude.
Je suis sauvée par un GSM.  Celui de la mère, qui sonne et l’entraîne dans une conversation qui dure.  La fillette, devenue silencieuse, s’ennuie, et quitte les lieux pour explorer le rez-de-chaussée.
Je capture quelques bribes de la conversation, sans rien comprendre.  Je comprends juste que le calme est presque revenu.
Je replonge dans ma lecture.  Je la termine.  J’essuie discrètement une petite larme qui coule sur ma joue droite.  Je me sens bien.  Un peu mélancolique, mais bien.
Il est 17h.  Fou comme le temps passe vite quand on est captivée.
Avant de quitter les lieux, je réalise que la table a été taguée d’une inscription gravée, qui dit, simplement, « Anaïs ».  Je vous le jure, c’est vrai.   
Drôle de hasard.  Dorénavant, ce sera « ma » table.